Un Paul McCartney énergique casse la baraque !

Pierre-Yves Faucher

MONTRÉAL – Paul McCartney nous a fait l’honneur cette année de commencer chez nous sa tournée « Freshen up » avec une première date à Québec lundi dernier et une deuxième à Montréal hier soir. Le matériel est éprouvé et en plus, si rouille il y avait, il l’a fait disparaître avant de venir nous voir.

À son âge (76 ans), il démontre encore de belles aptitudes physiques et mentales, assez bonnes pour donner des spectacles de deux heures, notamment au Cavern Club le 26 juillet dernier à Liverpool et pour offrir une prestation de 24 chansons le 7 septembre dans le cadre d’un concert-surprise à la gare Grand Central de New-York pour faire la promotion de son nouvel album (prestation diffusée en direct sur YouTube).

Cette tournée vient en appui à son 17e album solo Egypt Station sorti le 7 septembre dernier qui fut très bien accueilli en général. Sa première place en 36 ans en tête du classement Billboard 200 établi par le Billboard Magazine en est bien la preuve. Ce classement de référence hebdomadaire américain des meilleures ventes d’albums comptabilise les meilleures ventes d’albums aux États-Unis, tous genres musicaux confondus.

Hier soir, les spectateurs rassemblés au Centre Bell ont reçu une offrande généreuse de la part de Paul McCartney et de sa bande. Près de trois heures et 39 chansons plus tard, la foule a été séduite par la présentation scénique, les éclairages et les illustrations postmodernes/photos d’archives/courts métrages projetés sur grands écrans. Visuellement ma foi, c’était assez spectaculaire.

Musicalement aussi. Même en début de tournée, la machine est bien huilée, en grande partie grâce à la grande complicité avec ses musiciens top niveau, dont on ne parle pas assez à mon avis. Macca chante un ton plus bas que dans sa tendre jeunesse, mais ça n’affecte en rien la qualité de la performance musicale tout en étant bien appuyé vocalement par ses sbires, Rusty Anderson (guitares), Brian Thomas Ray (guitares, basse), Abraham Laboriel Jr. (batterie) et Paul Wickens (guitares et claviers).

J’ai trouvé dans les chansons plus costaudes que sa voix se perdait un peu dans le mix d’ensemble, mais le plus important, c’est qu’il ressente encore énormément de plaisir à interpréter ses méga-hits qui répandent un bonheur intergénérationnel dans l’assistance. Une mention d’honneur est de mise également pour les trois excellents musiciens affectés à la section des cuivres qui ont appuyé avec enthousiasme plusieurs des chansons du spectacle.

Un des grands plaisirs des concerts de Paul McCartney, c’est d’entendre les chansons en direct qui étaient restées sur vinyle jusque-là et jamais été interprétées après 1966.

Quel bonheur d’entendre la suite jouissive des chansons constituant la finale de la face 2 d’Abbey Road et de voir le musicien troquer sa basse pour sa Gibson Les Paul pour nous rappeler qu’il était avant tout un guitariste à ses débuts. Ou de réentendre live des pièces de l’album Sgt Pepper comme Being For the Benefit of Mr Kite et Sergeant Pepper’s Lonely Hearts Club Band (Reprise).

À l’époque des tournées de Wings dans les années 70, le répertoire Beatles était mince parce que chaque tournée faisait la promotion du dernier album en liste. Les chansons Let it Be, Lady Madonna, The Long and Winding Road ou Got to get you into my Life étaient parsemés par-ci par-là, mais c’était à peu près tout.

Nous avons eu presque droit hier soir à une anthologie de 50 ans de compositions, de la première chanson enregistrée par le groupe qui allait devenir les Beatles (In Spite of all Danger), en passant par quelques-unes de son groupe Wings (Hi Hi Hi, Let ‘em in, Let me Roll it, Band on the Run, 1985) jusqu’aux aux toutes dernières de son album Egypt Station (Who cares, Come on to me, Fuh You).

J’ai aussi beaucoup aimé le rendu énergique de FourFiveSeconds, une chanson de Rihanna écrite en collaboration avec Kanye West. Quelle énergie et quelle puissante mélodie. Un des nombreux moments forts de la soirée à mon avis. Bien que dans l’ensemble, l’interprétation et les arrangements d’origine sont respectés, il était rafraîchissant d’entendre Something (Harrison) jouée au ukulélé pour les premiers couplets.

Un des choix les plus étonnants de la playlist est à mon avis Helter Skelter provenant de l’album The Beatles (1968). Considérée par plusieurs historiens de la musique comme étant le terreau fertile de la naissance du heavy métal, je ne m’attendais pas à voir cette chanson pesante, agressive et déchaînée dans le répertoire de tournée de Paul McCartney.

Pour ceux et celles qui croient encore que les Beatles se résument à leurs chansons Yeah, Yeah, Yeah, ils devraient porter attention à cet album qui nous offre les styles les plus diversifiés qui soient (blues, folk, avant-garde, pur rock and roll à la Chuck Berry et balades pop sublimes).

Avec un catalogue aussi riche, il est difficile de choisir 39 chansons et d’interpréter un répertoire représentatif. Toutefois, je qualifierais cette soirée de nostalgique, actuelle, généreuse et d’une musicalité de haut niveau.

Souhaitons à nos compatriotes de l’ouest du pays (Winnipeg et Edmonton) de vivre le même niveau d’intensité quand Macca et ses comparses déballeront chez eux leurs instruments à la fin du mois de septembre.

Photographies : Pierre-Yves Faucher ©