Noël, un agrégat de coutumes, une lente mutation historique, nordique, romaine et chrétienne

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Le solstice d’hiver antique, souligné par la fête de Yule”chez les peuples nordiques, était célébré autour d’un feu. D’où viennent la tradition de la bûche et de l’âtre, de la lumière et de la chaleur. “Yule” signifie roue en vieux norrois, comme symbole du cycle de la nature. Le recommencement perpétuel. Le retour des saisons.

À Rome, la semaine des Saturnales soulignait le “crépuscule de l’année” par des banquets, des cadeaux et des réjouissances publiques. Un semaine de vacances et de carnaval. Le travail cesse. On décore les maisons. L’autorité des maîtres est suspendue. Les esclaves étaient libres provisoirement. Au temple de Saturne on entreposait le trésor romain, sorte de banque d’État, mais considéré comme le bien commun. Les festivités autour du temple donnent lieu à des échanges de cadeaux, en particulier des figurines. Les Saturnales sont joyeuses.

Avec l’ère chrétienne, le solstice (du latin sol -soleil- et stare -s’arrêter-), le soleil d’hiver païen a été remplacé par la fête chrétienne de la nativité, divin soleil d’un jour nouveau. C’est en l’an 354 que la célébration de El Navidad est définitivement fixée au 25 décembre. Se sont ajoutés la crèche de l’Enfant nouveau-né, ses figurines: le “Ti-Jésus” (el Niño Jesùs)le boeuf et l’âne, les rois mages. Les années s’écoulant, les trois messes de minuit, les “Christmas carols” (en français, les “Kyrioles“), le “Minuit, chrétiens” (1847)  des ténors locaux et le “Silent Night” (1818) autrichien ont assiégé la mémoire des peuples. Et jusqu’à  l’Orient.

L’histoire à ainsi connu le Saturne romain, le Jésus de la Nativité (natalis dies), puis le Saint-Nicolas (Santa Claus, décédé vers 345) sauveur des enfants sacrifiés, enfin le Père Noël commercial, petit Papa Noël, avec les lutins de rêve, les fées des étoiles, les rennes au nez rouge et les cadeaux pleins le chariot céleste.

Les traditions nordiques du Yule ont plaqué sur les Saturnales romaines les éléments du feu, de la bûche, du houx, du sapin, du gui, des fées et des lutins. Le Noël chrétien ont emprunté des fêtes saturniennes, les jours chômés, les étrennes, les repas copieux ((aujourd’hui de dindes et de tourtières), les “parties” de Noël et les “fêtes de bureau”. Et les célébrations religieuses.

On est donc passé de ce qu’était la particularité d’un phénomène astronomique à une cérémonie civile et politique romaine, occasion de faire bombance et de se rencontrer. Un temps de joyeuses fêtes. Puis, signifiant un retour de la lumière, une renaissance, notre Noël occidental s’est imposé. À la célébration chrétienne se sont greffés tous les agrégats folkloriques et culturels que nous connaissons:  L’arbre de Noël, le bas de Noël, la bûche de Noël, les feuilles de gui, le réveillon de circonstance, la neige de décor, la cheminée d’entrée. Et encore les étrennes sous le sapin, les décorations clignotantes, les cantiques et les boules de Noël. Sans oublier les rassemblements, les échanges de voeux, l’envoi de cartes de souhaits de bonheur. Donc un amalgame de traditions germaniques, romaines  et religieuses.

Mais c’est l’influence scandinave et celte qui a conservé à ce 25 décembre son identité polaire. Sans pôle nord, pas de Père Noël. Un Noël sans neige est une anomalie.  La Noël de l’enfant sans abri est représenté sous la neige et le froid. La lettre au Père Noël est expédié au pôle nord, non au sud. Le sapin ne  pousse pas au Sahel. Le sable de la Floride s’apparente mal au “white Christmas“.

Le Noël de l’enfant sans abri, Opinion Publique, 31 décembre 1874

Le Père Noël s’adresse à ses rennes: Écoutez-moi, mes chères, c’est pas le temps du repos. On doit faire le tour du monde comme l’éclair. Car chaque bambin que nous allons voir doit être heureux cette nuit de  Noël. (traduction personnelle). Archives de la SHSC, fonds McGavenny, P087 p128. Carte datant d’environ 1910.