Les outils de l’historien : Les terriers et les cadastres

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Les instruments du chirurgien sont le bistouri, le cathéter, l’attelle, le plâtre, etc. Les outils du menuisier seront le ciseau, le bouvet, la gouge, le tarière et la varlope et d’autres.

L’historien, lui, maniera les archives, les vieux documents, les inventaires, les recensements, les registres, etc. S’il veut établir l’histoire des propriétés, les bien-fonds des occupants, il fera appel aux terriers anciens, aux procès-verbaux des voyers pour les chemins, et surtout aux cadastres officiels. Attardons-nous aux terriers et aux cadastres.

Le papier terrier, dressé à la demande du seigneur vise à identifier les censives de sa seigneurie. Tel censitaire détient tel coin de terre, tel autre le lot 93 situé dans le rang de Vingt-cinq. Celui-ci habite au carrefour des rues St-Joseph et Ste-Marie; celui-là a déguerpi, sans payer ses dus au seigneur, lot vacant. Il tiendra à cet effet un registre de tous ses obligés, leur numéro de lot, leur nom, les paiements annuels (ou non) des rentes, le rapport de ventes successives, ou les subdivisions de ce même lot.

Bien mieux, le seigneur fera arpenter et localiser chaque lopin, parcelle ou emplacement sur son domaine. Il bénéficiera d’un plan général, d’une carte détaillée et des mesures exactes de chaque concession. En 1819, le seigneur Hertel de Rouville avait fait dresser le terrier de ses seigneuries dans ce qui est aujourd’hui Saint-Mathias-sur-Richelieu. L’arpenteur Stevenson avait bien localisé l’église, dans son lot triangulaire, propriété de la fabrique,

Sur une des illustrations, on constatera que les ancêtres Ostiguy, que le marchand Franchère et le négociant Eustache Soupras détiennent des lots dans le village de “Pointe-Olivier”, autour de l’église. Chaque lot est numéroté avec le nom de son détenteur. Les terriers des seigneurs de Chambly n’ont pas été retrouvés. C’est une source précieuse d’informations qui nous manque. Il est heureux l’historien qui accède à un tel bagage de faits anciens !

Le cadastre ou plan cadastral est aussi un tableau numéroté des propriétés existant dans une municipalité. Les premiers cadastres au Québec ont été produits pour Chambly Paroisse (aujourd’hui Carignan) en 1867. Ensuite à Chambly-Bassin en 1868, à Chambly-Canton en 1869, à Saint-Mathias en 1878 et à Richelieu en 1882. Cet outil cartographié et numéroté, qui décrit les dimensions de telle propriété, renvoie à son tenancier à la date de création de la carte. Sur l’illustration jointe, on voit une section de la “rue du Bord de l’Eau”, aujourd’hui rue Martel, et de la rue Saint-Pierre. Le lot 67, celui de la fabrique Saint-Joseph, montre l’église et le presbytère, mais non pas le collège du curé Mignault. Par contre, un point noir indique “le tombeau de Charles-Michel de Salaberry”, à l’angle nord-ouest de la sacristie. En fait, Salaberry avait été “inhumé sous l’église”, mais sa veuve fut enterrée dans le cimetière. Le monument indiquerait l’emplacement d’une stèle commandée par le curé Mignault et dressée à cet endroit. Cette stèle fut vraisemblablement déménagée dans l’actuel cimetière, créé en 1871. En marbre blanc, elle existe encore en 2019.

La Société d’histoire de la seigneurie de Chambly dispose du terrier de Saint-Mathias (1819) et des plans cadastraux de municipalités nommées plus haut.