Le premier projet de chemin de fer à Chambly, 1858

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Il n’y a plus de chemin de fer qui dessert Chambly. Les rails de la Montreal Chambly & Sorel Railway Company, installés en 1873 pour relier Montréal et Granby ont été enlevés progressivement. À Chambly il n’y a plus de rails depuis novembre 2008. En 2020, l’emprise du chemin est convertie en piste cyclable. Seuls demeurent les deux ponts en acier, interdits de passage, qui enjambaient la rivière L’Acadie et la rivière Richelieu. Mais jusqu’à quand ?

Rappelons qu’autour de Chambly, deux “chemins à lisses” (celui de la Champlain & Saint Lawrence Railroad Company) desservaient St-Jean depuis 1836, et St-Hyacinthe depuis 1848 (celui de la “Saint Lawrence & and Atlantic Railroad Company“, appelée le “Grand Tronc“). Il a fallu  l’initiative des personnages des Cantons de l’Est pour entreprendre la construction d’une voie ferrée intermédiaire qui passerait par Chambly. Quelques personnages de Chambly y sont allés de leur influence pour qu’il passe dans cette localité. John Yule a même été élu président de cette compagnie en 1853. On trouve également le colonel Fitz William Walker, le marchand John Hackett, Eusèbe-Hyacinthe FréchetteJoseph-Frédéric Allard et Charles-Gédéon Scheffer.  Une charte leur autorisait “la construction d’un chemin de fer qui irait du fleuve en direction de Chambly vers Shefford “and to the outlet of Lake Memphremagog to the Province lane in Stanstead“. La compagnie portera le nom de “Stanstead Shefford & Chambly Railway“.

“Le 11 courant (juillet 1854), la cérémonie de l’inauguration des travaux de construction du chemin de fer Stanstead Shefford Chambly a eu lieu (à Chambly) en présence d’une nombreuse réunion composée des habitants du voisinage de Chambly et des intéressés de Montréal et d’ailleurs. On doit beaucoup à M. McGovern, l’entrepreneur de cette section pour la manière habile dont cette affaire a été conduite. Il se fit une procession à la tête de laquelle marchait l’entrepreneur portant une pelle brillant d’un remarquable éclat. Après la pelle venait une brouette, toutes deux étaient couvertes de rubans. Suivait une voiture remplie de messieurs portant l’Union Jack au bout d’un long bâton entourés d’innombrables petits drapeaux. Cette voiture était suivie de deux à trois cents ouvriers portant chacun un pelle neuve.

Rendus sur le lieux, le révérend Mignault, curé de Chambly, fut prié d’enlever la première tourbe. En prenant la pelle, ce Monsieur fit un discours peu long, mais très éloquent et propre à impressionner. Il dit qu’il demeure à Chambly depuis 37 ans et que, suivant le cours des évènements, il serait bientôt réduit à céder sa place à un autre. Il ne pouvait cependant s’empêcher d’exprimer le vif plaisir qu’il éprouvait à cette occasion… Il termina en appelant les bénédictions du ciel sur l’entreprise. Il versa ensuite quelques pelletées de terre dans la brouette qui fut conduite et déchargée par John Yule, vice-président de la compagnie. Ce dernier adressa quelques mots à l’assemblée, puis M. Darche et quelques autres lui succédèrent. On se rendit ensuite à l’hôtel Bunker où un buffet et le champagne en abondance attendaient les convives. M. Yule avait fait les frais de ce lunch. M. McGovern espère terminer son ouvrage entre Saint-Lambert et Chambly dans l’espace de dix semaines au plus. Il a dès aujourd’hui des ouvriers en abondance à l’oeuvre et il en augmente tous les jours le nombre” (La Minerve, 15 juillet 1854).

Or, il s’est trouvé que les capitaux n’ont pas suivi les ambitions. Manquant de souscripteurs, particulièrement des municipalités francophones, les travaux ont battu de l’aile. Le trajet sera dévié vers St-Jean. Chambly devra attendre encore quinze ans avant de voir les “gros chars” entrer en gare. Quelque 68 propriétaires avaient vendu des parcelles de terrain à la Compagnie, pour un somme totale de 13 603 $. Quelques travaux avaient été exécutés. Mais il fallut intenter un procès pour être remboursés pour les ventes et les dommages.  C’est le député Pierre-Basile Benoit qui dût régler les paiements finals vingt ans plus tard..

Illustrations: Une partie du tracé du chemin de fer de 1855, selon une photographie aérienne datée d’environ 1930. La voie ferrée devait traverser les terres agricoles de Chambly-Bassin, couper l’avenue Salaberry et traverser la rivière L’Acadie. La section en blanc indique la terre ancestrale de René Boileau. On constate le tracé de la rue St-René, la rue Ste-Émilie et le tracé du chemin de fer de 1874 à 2008. À gauche, le Juniorat des Pères Oblats (1926). Fonds Georges St-Aubin. Gracieuseté de Raymond Ostiguy.

L’Opinion publique, 16 septembre 1875. La Minerve, 15 juillet 1854, 29 août et 6 septembre 1878.

Hudon, Paul-Henri, Le chemin de fer à Chambly en 1873, Le rêve d’un essor industriel, Essai inédit de 114 pages, primé par la fondation Percy-W. Foy, décembre 2006