L’adoption

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Autrefois de nombreux enfants étaient adoptés sans formalités ni procédures, au sein de la famille élargie. Il arrivait, par exemple que le menuisier, constatant la maladie de son épouse, “engage” chez son beau-frère, son huitième ou son dixième rejeton. Il se trouve justement que le beau-frère ou le cousin se trouve sans enfants. Et de plus il jouit d’un patrimoine immobilier qu’il pourra laisser en héritage. L’entente favorise l’un et l’autre. L’affaire est conclue sans papier. Tout le monde est heureux. L’opinion publique s’en satisfait.

Par ailleurs, des “placements” d’enfants ont été enregistrés et rendus publics, lors de situations d’indigence. Cet engagement de poupons serait-il une fiction légale, visant au placement définitif dans un foyer adoptif ? Comme ces deux cas:

Engagement de Joseph Dion, 15 mois, fils de Thérèse Dumont, veuve d’Antoine Dion, à Jean-Baptiste Renaud, cultivateur de Chambly, jusqu’à l’âge de sa majorité, 21 ans, finis et accomplis (René Boileau: 29 juin 1814). Engagement de Antoine-François xxx (Aiser), 2½ ans, fils naturel de Catherine Ratté (ou Ruette), résidente à Chambly, à Jean Hosman, soldat dans le régiment de Meuron, actuellement à Chambly, jusqu’à l’âge de 21 ans. (René Boileau: 19 juillet 1814).

Des enfants plus âgées sont “engagés” jusqu’à leur âge de majorité: Manuel Louis, 12 ans, orphelin de Manuel-Antoine Louis, et de Rose… “se trouvant dans une grande misère”, est engagé comme domestique pour John Saxton, garde-magasin. Le contrat d’engagement prend fin le 23 décembre 1821 (René Boileau: 23 décembre 1814). Louis Ménard de Chambly, âgé de 14 ans, se trouvant sans père, ni mère, ni fortune, ni parent pour prendre soin de ses tendres années, ces réflexions l’auraient obligé à s’engager dans la division de l’artillerie Royale; et, que se trouvant sir William Stewart, chirurgien actuellement dans le staff à Chambly, il veut bien le retirer de cet endroit et le prendre sous sa protection. Il l’engage comme domestique pour trois ans… (René Boileau: 10 février 1814).

On constatera aussi des “dons” d’enfants et des adoptions formelles selon les situations. Marie Viau dit Lespérance, veuve de feu Joseph Renaudet de Saint-Joseph, fait donation de son enfant, Joseph, âgé de 13 mois, voyant le peu de moyens qui lui reste pour l’élever et se fiant et se reposant sur le caractère et honnêteté de Antoine Duclos, fils, demeurant à Sainte-Marie, fait don pur et simple, sans aucune induction de personnes, en la meilleure forme que don pourra se faire de son enfant. (notaire Pétrimoulx, 25 mars 1816).

Émérentienne Ouellet, veuve de Jean-Marie Michaud, cordonnier de Saint-Mathias, confie ses deux filles en adoption, étant dans l’impossibilité de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Louise-Emma Michaud est placée en adoption chez le notaire Joseph-Donat Davignon de Saint-Mathias. Lucie Michaud est placée comme fille adoptive chez Pierre-Paul Massé, commerçant de Chambly (notaire Paul Bertrand: 4 mai 1849 et 11 mai 1849).

Telle mère qui doit délaisser ses enfants, vit une douleur évidente, mais qui peut être compensée par la qualité rassurante des parents adoptifs, plus fortunés, bourgeois et bien établis. Les docteurs Talham et Lionais à Chambly ont été de ceux qui ont pris soin d’enfants en besoin.

Illustration L’Opinion Publique, 28 mai 1874.