Deux “Patriotes inconnus” dans notre région en 1837 et 1841

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Tous savent qu’il a existé une quantité de “soldats inconnus” victimes disparues sous les bombes de la Première Guerre mondiale. L’un de ceux-ci représente tous les autres sous un arc de triomphe à Paris. Au Québec, les historiens (Filteau, Bernard, Aubin, Laporte, etc), ont relevé un nombre impressionnant de patriotes actifs dont les archives font mention. Cependant, deux Patriotes, qui ont perdu la vie pour la cause de la démocratie dans notre région, sont demeuré dans les oubliettes de l’histoire. Souvenons-nous de Joseph Surprenant (1837) de Marieville et de Julien Choquette (1841) de Saint-Mathias.

Mgr Bourget écrit à l’évêque de Québec: “Après l’affaire de Saint-Charles, 1 000 à 1 500 volontaires se rallièrent à Saint-Mathias pour attaquer les militaires sur leur retour. Mais cette multitude indisciplinée et sans armes fut bientôt réduite à 300 hommes qui s’enfuirent à l’approche des troupes en laissant un mort sur la place”. (RAPQ, 1926-27, p. 148, 2 décembre 1837).

Nous avons identifié cette victime tombé sur le chemin. Il s’agit de Joseph Surprenant (c1781-1837), 56 ans, habitant de Sainte-Marie-de-Monnoir (Marieville). Le curé de Marieville note dans le registre des sépultures: “Aujourd’hui, 1er décembre 1837, nous avons inhumé dans le cimetière de cette paroisse le corps de Joseph Surprenant dit Lafontaine, décédé à Saint-Mathias d’un coup de feu, âgé d’environ 56 ans. En présence de Victor Tétreau et de François Tétreau”.

C’est le fils d’André Surprenant et de Marguerite Geoffrion, marié en premières noces à Josephte Vigeant, âgée de 40 ans. Mais au moment de son meurtre par les Habits Rouges, le 28 novembre 1837, il était veuf de sa seconde épouse, Madeleine Brouillet qu’il avait épousée le 1er juillet 1811. Il avait rédigé son testament devant le notaire Joseph-Isaïe Boudreau le 21 juillet 1834. Que son nom soit inscrit au panthéon des valeureux !

Lors de l’élection très violente de l’année 1841, l’animosité ambiante des années 1837-38 n’est pas éteinte. La détermination des Patriotes de gagner, comme auparavant, la bataille des urnes est constante. Or, il se trouve que l’élection de mars 1841 dans le comté de Rouville se tient en plein hiver dans la partie la plus éloignée du comté dans un secteur majoritairement anglophone de Saint-George d’Henryville. Ces difficultés tactiques, étaient voulues par le gouverneur anglais Sydenham. Croyait-il décourager les électeurs francophones?

Ces obstruction auraient-elles fouetté l’ardeur des patriotes ? Nous le croyons. Il se trouve de plus que le scrutin met aux prises un candidat patriote, Timothée Franchère, à son opposant Alphonse-Melchior De Salaberry, l’homme “de service” du gouverneur. On se souvient que Franchère avait purgé 183 jours de prison, alors que Salaberry mettait en prison des individus innocents.

Le bureau de scrutin se tenait près d’une taverne fréquentée par des jeunes anglophones. Tout était prêt pour une émeute et des violences qui éclatent subitement contre les partisans de Franchère. Dans la mêlée de coups de bâtons, Julien Choquette (1808-1841), est frappé à mort, parmi plusieurs autres blessés. Le curé de Saint-Mathias écrira: “Le 15 de mars 1841, par nous prêtre, soussigné, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse le corps de Julien Choquette, cultivateur de cette paroisse, âgé de 38 ans environ, décédé le 11 de mars courant à Henryville, paroisse de Saint-George, des blessures qu’il aurait reçues au dit lieu par des personnes armées et inconnues, selon le certificat du coroner. En présence de Timothée Franchère, de Joseph-Frédéric Allard et de Paul Bertrand qui ont signé avec nous”. (Registre de Saint-Mathias 15 mars 1841). Il n’y a pas eu d’interventions des services d’ordre. Pire, il faudra attende 23 ans (en 1860) pour qu’un procès soit instruit. Le coupable sera acquitté. (Le Franco-Canadien, 12 octobre 1860, pages 1 et 2). Que l’histoire lui rende justice !

Illuatrations. Croquis par Girouard des patriotes Timothée Kimber et Eustache Soupras