Bavardage et indiscrétion. La messe des servantes

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – La lecture des journaux anciens nous fait découvrir des coutumes que notre siècle a dépassées. Ainsi le comportement des domestiques:

« C’est étonnant ce que Montréal consomme comme servantes », observe le journaliste.  « Les fait-on disparaître ? Les expédie-t-on au loin en offrant tous les jours un certain nombre à quelque minotaure mythologique ? Je ne sais. Mais il est certain que cette demande extraordinaire et inépuisable cache quelque mystère… »

Combien souvent on voit de ces annonces: « On demande une servante. Pas d’enfants. Pas de lavages. Travail léger. Deux personnes seulement. Et toujours suit cet accompagnement forcé: « Bons gages, salaires élevés, etc, etc… »

« Vous verrez qu’on leur promettra bientôt trois heures de sortie par jour, une chambre en ville, et la permission de nuit sept soirs par semaine. Il y a déjà de ces demoiselles qui se donnent tout cela sans demanderElles sont donc heureuses pensez-vous ? Pas du tout. Les trois-quarts d’entre elles sont furieuses et disent pire que pendre leurs maîtresses»

« Au fait, si vous voulez avoir une idée de ce qu’elles pensent, allez un dimanche à la messe de six heures. C’est, m’a-t-on dit, car je n’oserais prendre une telle responsabilité, c’est la messe des servantes. Les maîtresses de maison que vous y remarquerez n’y sont venues que pour permettre à leurs servantes d’aller à la grand-messe, ainsi que le stipule une des conditions du contrat intervenu entre les parties. » 

Et le reporter de préciser « Allez donc à la messe de six heures. Priez dévotement. Éloignez toute mauvaise pensée, mais écoutez à la sortie les conversations des « filles engagées », qui s’en vont deux par deux, quelquefois troisPauvres nous ! On nous habille, et comme on nous déshabille ! Quels coups de langue, quelles morsures, quel venin. »

Sources: Le Monde Illustré, 4 juin 1887, page 34. 25 novembre 1887, page 238

Illustration: Album Universel, 16 février 1907.