À quand la réaction en chaîne?

 Lise Perreault

ENVIRONNEMENT – Après la Banque mondiale, New York tourne le dos aux pétrolières. La balance n’en finit plus de s’affoler. Ça penche à droite, ça penche à gauche, ça oscille dangereusement. Peut-être au même rythme que le changement climatique ?

La Banque mondiale ayant déjà annoncé la fin du financement de projets pétroliers et gaziers après 2019, au tour de New York de manifester, de façon spectaculaire, son mécontentement. Reconnaissant la montée inexorable des coûts relatifs aux changements climatiques, la mégapole américaine poursuit cinq géants du secteur des énergies fossiles. Elle les accuse d’avoir provoqué les bouleversements qui entraînent des impacts très coûteux. D’un même mouvement, elle s’apprête à retirer quelques milliards de dollars en investissements à certaines sociétés actives dans les énergies fossiles.

Par cette action audacieuse, New York reconnaît que le jeu n’en vaut plus la chandelle. La ville n’a-t-elle pas lancé en 2016 un programme de plus de 20 milliards de dollars afin de faire face à la multiplication des événements climatiques extrêmes! Ça inspire peut-être l’instauration de nouvelles priorités?

Une équivalence, enfin, semble clairement s’établir: dégâts environnementaux = coûts astronomiques. Comme l’économie a, curieusement, toujours le dernier mot, même au détriment de la vie, l’entrée fracassante d’un tel centre névralgique de l’économie dans l’arène de la lutte au changement climatique est une réjouissante nouvelle.

D’autant plus réjouissante que les poursuites comportent un aspect moral. C’est que l’un des géants poursuivis, ExxonMobil, a publiquement entretenu le doute, et ce, depuis les années 1980, sur la réalité des changements climatiques, alors qu’il les savait pertinemment réels et causés par l’activité humaine.

Dans l’actuelle décennie, il devient difficile de mentir au sujet climatique vu l’uniformité de l’information : « Les températures mondiales à la hausse : 2017 entre dans le palmarès des trois années plus chaudes jamais enregistrées. »

En effet, un tout petit bond en arrière nous permet de constater que ces titres inquiétants se bousculent à chaque bilan climatique annuel: « Gaz à effet de serre dans l’atmosphère: « 2010, année record […] la teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre produit par l’homme a atteint une fois de plus des niveaux jamais enregistrés depuis l’époque préindustrielle, soit vers 1750 , a déclaré le secrétaire général de l’OMM, Michel Jarraud ».

« En 2013, le réchauffement climatique a battu des records. L’année a été marquée par des phénomènes climatiques extrêmes, ce qui confirme l’inexorable réchauffement de la planète, selon l’Organisation météorologique mondiale […] ». Quant à 2015, elle se révèle l’année de tous les records en termes de changement climatique : « Rassemblant des dizaines de milliers de données fournies par 450 scientifiques de 62 pays, ce rapport de 300 pages établit une sorte d’état climatique de la planète […]

L’année 2015 a été la plus chaude de l’histoire moderne, celle aussi où la montée des eaux et les émissions de gaz à effet de serre ont atteint des niveaux sans précédent. » « L’an 2016 est à inscrire à l’encre rouge dans la liste des années où le climat a montré de dangereux signes de transformation, révèle une étude […] ».

Il m’apparaît avec la force de l’évidence qu’entretenir le doute quant à la réalité des changements climatiques est voué à l’échec. Ne sont-ils pas inédits, ces jeux de hautes voltiges du thermomètre? De descentes en remontées en piqué de 40 degrés en quelques jours! D’un froid extrême prématuré fin décembre à la pluie, début janvier…

Ce qui, par contre, m’apparaît une bizarrerie pernicieuse dans un contexte de dégradation environnementale qui se précise avec une régularité chronologique, c’est l’entêtement de nos gouvernements, tant fédéral que provincial, à faire pencher la balance côté énergie fossile.

Ça ne participe plus à un modèle économique acceptable. C’est de la bêtise humaine. « Aucun pays ne laisserait dans son sol 173 milliards de barils de pétrole sans les exploiter », dixit Trudeau… Pfft! En tout cas, le maire de New York, lui, semble avoir compris que le déséquilibre climatique est un ogre économique. D’ailleurs, d’autres grandes villes américaines envisagent de désengager leurs fonds de retraite publics des énergies fossiles, notamment San Francisco et Seattle. J’attends avec espoir le passage à l’acte.

Au Québec, pour l’heure, avec l’action conjuguée de nos deux lassants gouvernements, la balance penche très bas, côté hydrofracturation, alors que la volonté citoyenne compte pour un poids plume juchée dans les hauteurs. Le Québec, pourtant, a été la première province à réagir massivement, en 2010, quand les gaz de schiste sont sortis du sac à malices.

Oui, sac à malices, car je ne crois pas que ExxonMobil soit le seul géant qui ait menti à la population, qui ait pris conscience que le réchauffement climatique est une réponse navrante à l’exploitation des énergies fossiles. Or, si nous avions agi dès les années 1980, l’avenir de nos petits-enfants serait plus lumineux.

Par amour pour ces générations montantes, je me dis qu’il nous reste l’espoir et la conscience. Il n’est jamais trop tard, mais il est minuit moins une. C’est aujourd’hui notre intelligence qui nous menace, car nous en sommes venus à un niveau de destruction planétaire, c’est aussi notre intelligence qui tient les solutions. Et si consciences sociales et économie mondiale s’équilibraient?

Le vent serait-il en train de tourner? Lors de l’avènement du gaz de schiste qui a frappé de plein fouet le Québec voilà à peine huit ans, ce revirement porté initialement par quelques esprits vifs alors taxés d’idéalistes, esprits animés d’un sens de la survie aiguisé et de suite dans les idées, ce revirement s’effectue aujourd’hui par les sphères de la haute finance.

Après la Banque mondiale, New York, plaque tournante de l’économie mondiale, se retire. À quand la réaction en chaîne qui rééquilibrera les plateaux de la balance ?