31 500 signatures, 15 000 scientifiques, la Banque mondiale…

 Lise Perreault

C’est incontestable, l’échafaudage des voix réclamant l’abolition de l’exploitation des énergies fossiles se solidifie et s’élève !

ENVIRONNEMENT – Chez nous, Québec, 5 décembre, 31 500 signatures ont été déposées à l’Assemblée nationale, signatures récoltées au terme d’une mobilisation intensive de six semaines, un court laps de temps négocié serré avec les moyens du bord. Tout juste un an après l’adoption, sous le bâillon, de la Loi 106 taillée sur mesure pour agréer les gazières/pétrolières. Et pas mêmes trois mois après l’ahurissante nouvelle quant aux projets de règlements de mise en œuvre de ladite loi, lesquels permettent de forer à proximité des lieux de vie, au seuil des parcs nationaux et jusque dans les lacs et rivières.

En fait, ce que réclame cette pétition signée par une trentaine de milliers de personnes, c’est le retrait des projets de règlements sur les hydrocarbures. Comme l’a résumé, ce 5 décembre, Phillippe Dumont du groupe Boréalisation : « La pétition est un non au forage ».

C’est simple, sans équivoque, pas alambiquée, ça ne laisse place à aucune interprétation, c’est non. Depuis que les mots gaz de schiste et forages hydrauliques se sont inscrits dans le vocabulaire familier des Québécois, c’est non. Alors comment se fait-il qu’on soit encore aux prises avec cette histoire de forage? Alors qu’en 2014, Philippe Couillard déclarait abandonner la filière gaz de schiste. Malgré les résultats d’un sondage Senergis démontrant déjà en 2010 que « 78 % des personnes qui se disent informées réclament un moratoire complet sur la filière. Ce groupe de 78 % représente 57 % de la population totale du Québec. » (Louis-Gilles Francoeur, Le Devoir, 22 octobre 2010).

Dès 2010, dès l’entrée fracassante des gaz de schiste avec leur promesse de fracturation de notre sous-sol, 57 % des Québécois n’en voulaient pas. Certains pro-gaz soutenaient que les militants répandaient peur et mauvaise information, alors que cette prise de position témoignait d’un bon sens élémentaire aujourd’hui avéré. Car après huit ans à creuser la question, au tour de la communauté internationale des scientifiques d’assener sa conclusion : l’humanité court à sa perte si on continue d’exploiter, de consommer les énergies fossiles, principale cause du bouleversement climatique.

Il faut croire qu’on a bien fait de retarder l’irréversible fracturation, et qu’on a tout intérêt à continuer de repousser l’invasion des gazières/pétrolières sur 53 225 km² du territoire québécois, jusqu’à ce qu’on reconnaisse au bon sens ses lettres de noblesse!

Mais bien entendu, on nous oppose la question économique! Justin Trudeau enfonce le clou : « Aucun pays ne laisserait dans son sol 173 milliards de barils de pétrole sans les exploiter ». C’est une façon de voir. Oh bien sûr, Monsieur Trudeau parle d’imposer un plafond d’émission de CO², non sans avoir prévu, au préalable, une augmentation de production de 1,3 million de barils par jour d’ici 2030. Le « plafond » passerait du 70 millions de tonnes d’émissions de GES produites actuellement à 100 millions de tonnes par année, et ce, pour le seul secteur des sables bitumineux.

À notre grand dam, les réserves d’or noir du Canada sont les troisièmes en importance dans le monde. Cet état de fait nous confronte à choisir entre l’exploitation ultra-payante d’une matière qui contribue à faire gonfler une pollution débridée ou la préservation de la vie. L’imminence de l’emballement climatique nous met au pied du mur. Et si Monsieur Trudeau croit encore à ce type de richesse comme participant à une société viable, il semble que ce ne soit ni l’opinion du ministre français de la Transition écologique, Nicolas Hulot, qui affirme sans ambages : « Les énergies fossiles appartiennent au modèle économique du passé. Elles ne sont plus la solution, elles sont le problème », ni l’opinion de la Banque mondiale qui a annoncé la fin du financement de projets pétroliers et gaziers dans un avenir rapproché (après 2019).

Partant de cet échafaudage de voix de plus en plus au diapason, et que l’on parte du bas ou du haut de la pyramide, que l’on parle de citoyens, d’environnementalistes et de force du nombre, de scientifiques ou d’acteurs de la haute finance, la pierre angulaire semble converger vers une orientation commune. Et décisive.

Les politiciens accrochés mordicus aux énergies fossiles seront-ils les derniers à contrevenir à l’unanimité pour la sauvegarde de l’humanité?