The Beatles : Get Back, revoir les fabuleux sur une scène

Pierre-Yves Faucher

MUSIQUE – Alors que certains admirateurs et quelques membres de la famille de Céline Dion n’apprécient pas la comédie dramatique « Aline » qu’ils considèrent peut-être comme un « documentaire » irrespectueux, les fans des Beatles ont de quoi se réjouir du travail de Peter Jackson quant au montage et à la restauration des images captées par le cinéaste Michael Lindsay-Hogg (Let It Be) en janvier 1969.

On parle ici de cinéma direct avec 21 jours de tournage au rythme de 4 heures de film et de 8 heures d’audio par jour. Le travail de dépouillement de ces archives n’aurait pas été possible sans le confinement lié à la pandémie. Jackson y a consacré quatre années de travail. Il en a résulté le documentaire The Beatles : Get Back d’une durée de six heures présenté en trois épisodes de deux heures du 25 au 27 novembre dernier sur la plateforme Disney+.

Le documentaire comprend en grande majorité les répétitions et le travail d’écriture et de création musicale de musiciens de grand talent. Aurait-il pu être plus court? Oui. Cependant, on en apprend beaucoup sur leur personnalité et leur méthode de travail. Je suis sûr que tous les musiciens apprécient la démarche de Peter Jackson.

Personnellement, l’intérêt de toute cette proposition de retour vers le futur, c’était de revoir les Beatles « live » sur le toit des bureaux d’Apple Corps avec du visuel et de l’audio de qualité supérieure. On nous offre donc la prestation intégrale de 42 minutes composée de cinq chansons inédites reprises plusieurs fois. Menu mince, mais ô combien jubilatoire.

Entre 1966 et 1969, on n’avait pas eu grand-chose à se mettre sous la dent visuellement parlant. Ainsi, leur prestation sur le toit dans le film Let It Be en 1969, c’était du bonbon. Un gros sac de bonbons. Même sans des images et du son de grande qualité.

La seule prestation devant un public fut l’enregistrement du film promotionnel de la chanson Hey Jude en 1968 dans les studios Twickenham, là même où les premières répétitions ont eu lieu pour l’album Let It Be. Trois ans après leur dernier spectacle en 1966 à San Francisco, nous avions toujours l’espoir de revoir les Beatles en spectacle, surtout ceux et celles qui étaient trop jeunes comme moi pour aller les voir au Forum de Montréal en 1964.

À la fin de cette décennie, personne ne soupçonnait que les heures étaient comptées avant que l’inévitable n’arrive : la séparation. Mon univers musical tournait autour de leur musique. Je n’écoutais que ça. Pourquoi écouter autre chose quand on a par exemple une multitude de genres sur l’album The Beatles (l’Album blanc) : rock’n roll, blues, folk, country ,reggae, avant-garde, hard rock, music-hall et psychédélique.

Ceux qui les associent aux chansons yéyés de leur début ne savent pas ce qu’ils manquent. Bien sûr, leurs premières compositions n’étaient pas convaincantes. En entendant leur première proposition (Love me do), George Martin avait des raisons de douter de leur talent de compositeurs. Dès le troisième album en 1964 (A Hard Day’s Night), on ne retrouve que des compositions originales solides comme la chanson qui a donné le titre de l’album et du film, Can’t buy Me Love et And I Love Her. Un très bon début, n’est-ce pas ?

Le sevrage n’aura pas duré longtemps

En 1970, je pensais que je n’avais plus rien à écouter. Cependant, mes horizons musicaux se sont élargis avec la sortie en salle du documentaire Woodstock : Three days of Peace and Music. Décidément, les documentaires font œuvre utile pour ceux qui s’intéressent à la musique. C’est la révélation. C’était la découverte de nouveaux groupes britanniques et de la côte ouest américaine. En prime, la musique des Beatles continue de vivre sur scène avec Joe Cocker qui s’est approprié de façon magistrale la chanson With a Little Help From My Friends (il chantait aussi à l’époque She came In Through The Bathroom Window de l’album Abbey Road). À cette époque, on avait aussi Elvis qui reprenait Yesterday et Something à Las Vegas, mais bon, il ne m’intéressait plus à ce moment-là.

L’après-Beatles

Après la séparation des Beatles, la synergie du groupe disparue, nul ne pouvait présumer qu’ils allaient produire encore de la musique, individuellement ou dans le cadre de nouveaux groupes, à un niveau de qualité auquel on nous avait habitués.

Bien sûr, un groupe qui ne se produit pas en spectacle n’a pas beaucoup d’avenir. Cette situation jumelée aux ennuis financiers et juridiques du groupe, l’inévitable allait se produire. Les Beatles étaient peut-être sur le respirateur artificiel entre 1966 et 1969, mais ils produisaient encore des albums en groupe. Et il faut se rappeler qu’en cette fin des années1960, les informations étaient contrôlées par leur service des relations publiques et que les réseaux sociaux n’existaient pas. Donc, on ne l’a pas venu venir.

Les projets solos des années 60

Avant la dissolution du groupe, chacun menait des projets personnels chacun de leur côté sans qu’on puisse présumer qu’ils allaient faire des carrières à long terme en solo. Donc, pas de sonnettes d’alarme à ce moment-là.

Ce fut d’abord Paul McCartney qui composa la trame sonore du film The Family Way sorti en 1966. George Harrison a fait de même pour le film Wonderwall Music (1968) et sortit l’album Electronic Sounds (1969) comprenant de la musique expérimentale. Cette même année, le premier Beatle qui se produisit sur une scène après la prestation sur le toit d’Apple Corps du mois de janvier, fut John Lennon dans le cadre du Toronto Rock and Roll Revival le 13 septembre en compagnie d’Eric Clapton, du bassiste Klauss Voormann, du batteur du groupe Yes, Alan White et de sa «choriste » adorée, Yoko Ono. L’album Abbey Road paraît 13 jours plus tard au Royaume-Uni.

En 1970, les albums des ex-Beatles se multiplient

Au début de la décennie suivante, les choses se bousculent. Le premier album solo de Ringo sort en mars (Sentimental Journey), l’album McCartney sort en avril, l’album Let It Be paraît en mai, le deuxième album solo de Ringo en septembre (Beaucoups of Blues) et le sublime album triple de George (All Things Must Pass) en novembre. Comme si ce n’était pas assez, Lennon sort l’album John Lennon/Plastic Ono Band en décembre.

Les tournées individuelles s’organisent

Pour voir un ex-Beatle en tournée et non en prestation ponctuelle, il faudra attendre en 1971, quand Paul McCartney organise une tournée de 11 universités britanniques (Wings University Tour) sans publicité ni promotion avec son nouveau groupe Wings. La scène manquait à Sir Paul.

Après ces séances publiques, disons-le, de rodage, une tournée en bonne et due forme fut organisée en 1972 en Europe (26 spectacles). Ils continuèrent de jouer en public en Europe, en Australie et en Amérique du Nord tout au long des années 70.

En 1974, fort du succès de sa chanson Whatever Get you through the Night (numéro 1 dans les palmarès), John Lennon monte sur la scène du Madison Square Garden à New York dans le cadre d’un spectacle d’Elton John pour interpréter cette chanson en plus de jouer Lucy in the Sky with Diamonds et I Saw Her Standing There. Ce fut sa dernière apparition sur une scène.

Du côté de George, sa première prestation sur scène fut en 1971 suite à l’invitation de son ami Ravi Shankar qui organisa le premier véritable concert de charité pour venir en aide aux réfugiés de l’ancien Pakistan oriental. The Concert for Bangladesh au Madison Square Garden à New York (deux spectacles) a réuni son comparse Ringo à la batterie et les principaux complices de leur entourage musical américain et britannique. Sa première tournée fut lancée en 1974 aux États-Unis pour faire la promotion de son nouvel album Dark Horse. Il a par la suite repris la route en 1991 au Japon en compagnie d’Eric Clapton.

Pour Ringo, les chansons qu’il a chantées en compagnie des trois autres fabuleux, n’étaient pas assez nombreuses pour partir en tournée avec seulement son nom sur la marquise des amphithéâtres. Il s’est donc entouré de vedettes du rock déjà établies pour partir en tournée entre 1989 et 2012 (11 formations différentes avec quelques habitués) avec son Ringo Starr and His All-Starr Band où chacune des vedettes chantait son « hit » (en autres Joe Walsh, Edgar Winter, Peter Frampton, Greg Lake et Todd Rundgren).

Trop jeune pour voir les Beatles en spectacle, j’ai eu la chance de voir Ringo et ses amis en 2001 et Sir Paul qui portait bien ses 76 ans, dans le cadre d’une merveilleuse soirée très beatlesque au Centre Bell en 2018. Ça met un peu de baume sur la douleur de la séparation d’un groupe dont la musique est toujours inspirante pour moi et pour tant de monde.

Le documentaire The Beatles : Get Back

Disponible actuellement sur la plateforme Disney+.

En librairie 

The Beatles : Get Back

Récit officiel de la création de l’album Let It Be comprenant des conversations des Beatles et des images inédites, entre autres de Linda McCartney.

Sur scène 

Around The Beatles, un groupe qui reprend les grands succès du groupe avec brio et vénération qui sera en tournée près de chez vous en 2022.