Qui a dit que les dimanches sont jours d’ennui…?

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Dans le monde rural qui fut le nôtre, la semaine se passait à abattre de la besogne, à bosser du matin au soir, à peiner six jours durant. Le septième jour (plus précisément le premier de la semaine), était jour de repos. Arrêt de travail, certes, et bien apprécié pour la plupart, mais pas par tous. Le travail dans les moulins, dans les manufactures, la vente dans les magasins de campagne, la boucherie, la boulangerie, le transport, les récoltes urgentes, ces travaux continuaient souvent le dimanche. Parfois certaines besognes servaient de prétexte pour négliger le “respect du dimanche”, comme construire, jardiner, aller à la chasse, faire du commerce.

Pourtant, “les fêtes d’obligation avaient été réduites de 37 à 20 en 1744. En 1790, La Société d’agriculture pressa Mgr Hubert de supprimer les fêtes patronales de chaque paroisse, ainsi que toutes les fêtes célébrées entre le 1er mai et le 1er novembre, à cause des nécessités agricoles. Vers 1830, il ne restait que 7 fêtes d’obligation, sans compter les dimanches. (Lucien Lemieux).

Mais, que faire les dimanches?  Les jeunes gens, en chemise blanche et complet bleu, fréquentent, à cheval, les filles à marier, vont en bicyclette ou à la pêche. La grand-mère, file, coud et tricote. Les vieux fument et se bercent sur la galerie. La marmaille s’amuse ou se chamaille.  Pour tous, le temps est plus long; il s’étire sur les heures. Il a une durée de langueur, un air vide d’oisiveté.  Pendant la semaine, on maîtrisait le temps, on le tenait occupé, besogneux, laborieux.  Les dimanches, on perd le contrôle, on est maître de rien, comme désoeuvré. Temps de causeries ou de silence. Labeur la semaine, lenteur le dimanche. Dimanche est un temps mort.

Ceux qui disent que les dimanches sont jours d’ennui, d’espoir qui flanche, N’ont donc jamais mal dans le dos, pour n’avoir pas besoin de repos

C’est jours de s’maine, qu’on pousse, qu’on porte, qu’on offre bras, idées, talent… Mais c’est dimanche que s’assoient ceux qui ont pain et amitié…” (Félix Leclerc, Les dimanches, 1952).

Références: Lucien Lemieux, Histoire du catholicisme québécois, dirigé par Nive Voisine, Boréal Express, Tome 1, pages 282 à 286.

Illustrations: Les joueurs de cartes, Onèse Carreau et Wilfrid Loiselle portant chapeau, sur la ferme Loiselle à Pointe-aux-chênes.  Courtoisie de Raymond Ostiguy, collection personnelle. M. Ostiguy raconte: “Il y avait d’autres éléments pour se désennuyer. Chaque soir les hommes jouaient aux fer-à-cheval. Il y avait un tennis, un filet pour le ballon volant. un jeu de croquet. On allait à la “dam” pour pêcher la barbotte dans  les silos et pour du plongeon dans l’eau profonde. Au ruisseau de ferme de Bernard Loiselle, on allait à la chasse aux “ouaouarons”. Et pour moi, garçon de la ville, faire les foins avec les filles de Bernard était un grand plaisir”.

Illustration: Archives de la SHSC. Recevoir la “visite” portant chapeau, les dimanches après-midi, sur le perron. Personnages non identifiés. Un 6 août 1911 à Chambly sous la tonnelle et dans la balançoire. Personnages non identifiés.