Le généreux testament de Marie Desautels, servante dépareillée, à Chambly.

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Marie Desautels (c1805-1886) aurait été domestique chez une famille de notables de Chambly, pendant au moins un demi-siècle.

On la découvre en 1851, gouvernante, cuisinière, chambrière, âgée de 42 ans, dans la famille très bourgeoise de Joseph-Frédéric Allard (1803-1856) et d’Adelphine Soupras (1822-1893).

Ce Monsieur se définit comme “seigneur de Foucault, Noyan et autres lieux, marchand de grains, lieutenant colonel de milice, vice-président de la Banque du Peuple”. La domesticité se compose aussi de “Céleste Duclos, 37 ans, Hermine Brodeur, 26 ans et Marguerite Chevalier”, toutes définies comme “servantes”. (Recensement de Chambly en 1851).

Il y a cinq enfants Allard dans la maison, sans compter deux “serviteurs”. Leur fille, Joséphine Allard (1843-1877), épousera Charles-René de Salaberry qui lui donnera trois enfants, René (dont le parrain sera Mgr Alexandre Taché, évêque de Saint-Boniface, Manitoba) Alice et Thérèse de Salaberry.

Après le décès de Joseph-Frédéric Allard, Adelphine Soupras épousera le médecin Charles Boucher de Grosbois (Registre de St-Joseph, 26 août 1858). Marie Desautels, 66 ans, demeure au service de ce nouveau couple (Recensement de 1871).

Dix ans plus tard, on retrouve Marie Desautels, toujours fidèle gouvernante chez la veuve Adelphine Soupras-De Grosbois. Elle donne alors 77 ans. Marie décèdera le 2 février 1886. On lui accordera le privilège exceptionnel d’être inhumée dans le prestigieux mausolée Allard érigé au cimetière de Richelieu.

Le testament de Marie Desautels, dicté devant le notaire Paul-Solyme Bertrand, se lit ainsi: “Je lègue à René de Salaberry le portrait de Mgr Taché, ainsi que le sofa venant de chez son père et un coffre gris. Je lègue à Alice de Salaberry une robe de naples noir, un gilet de gros de naples, une croix en argent venant de Rome. Je lègue à Thérèse de Salaberry une robe en cachemire noire, un manteau de drap noir, une “Imitation de Jésus-Christ”. Je lègue aux Soeurs de l’hôpital Saint-Joseph, les hardes et linges qui m’appartiendront à mon décès. Je lègue à Madame de Grosbois, une commode, une chape verte et un formulaire de prières. Je lègue à Alphonsine Allard, fille de Charles, une épingle et un camée donné par feu Monseigneur Desautels. Je lègue à Euphémie Allard, fille de Charles, une épingle en or. Quant aux pelleteries, elles seront partagées entre les filles de M. Charles Allard. Le résidu ira à Alice et à Thérèse de Salaberry et à René de Salaberry, les trois enfants issus du mariage de feu René Charles de Salaberry ,et elle les faits légataires universels”. (Paul-Solyme Bertrand, 31 mars 1883).

Marie Desautels qui aura bercé, nourri, lavé, amusé, habillé les enfants de Joseph-Frédéric Allard, ceux de Charles Allard et de René-Léonide de Salaberry, favorisera par ses donations testamentaires les filles de la maisonnée, plutôt que les garçons. Il faut noter aussi les objets de piété.

Le monde est ainsi fait de ces petits riens provenant des humbles personnages, ces ombres de l’histoire. Ils n’ont pas la gloire de la renommée, mais la profondeur de l’humanité.

Illustrations: Mausolée Allard à Richelieu. Portrait de Mgr Alexandre Taché en 1873 (Wikipedia).