Le camp des Patriotes à Saint-Mathias, du 25 au 27 novembre 1837. Un rassemblement de fortune

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – On a établi “un camp, pour qu’on ne détruise pas nos propriétés“, selon le témoignage de François Massé dit Sancerre devant l’enquêteur le 12 mai 1838. Le prétexte était noble, vertueux, mais il y avait d’autres motifs.

Il s’est trouvé que les troupes britanniques venaient de quitter les casernes de Chambly pour se rendre, avec armes, canons et chevaux à Saint-Charles, via Pointe Olivier (Saint-Mathias).  Or ils avaient fait halte pendant la nuit du 22 au 23 novembre à Saint-Mathias. Sydney Bellingham raconte: “La nuit était froide, mais calme. On est arrivé à Pointe-Olivier vers trois heures du matin. Le colonel Wetherall voulut donner un repos à ses troupes… Il s’installa dans une grande maison de pierre et distribua ses soldats dans des résidences… le lendemain, 23 novembre, les soldats arrivèrent à Saint-Hilaire vers 11 heures…” (Voir Le Montérégien, édition du 13 juillet 2020). Cette usurpation de logis a dû soulever les passions. Suffisamment pour ameuter  les habitants.

Le rassemblement patriote à Saint-Mathias fait suite à ce cantonnement anglais. Il va durer au maximum quatre jours; plus exactement du samedi, 25 novembre jusqu’au lundi, 27 novembre 1837 environ. Les mobilisés arrivent de Saint-Césaire, de Sainte-Marie et de Saint-Athanase pour surprendre les troupes britanniques sur le chemin du retour. Effectivement Wetherall est revenu à Chambly le 28 novembre 1837.

De plus des agitateurs étaient venus de Montréal, le “général” Élisée Malhiot (1812-1875) et Célestin Beausoleil. Dépêchés par les Frères Chasseurs, ils soulèvent les habitants, font prêter le serment d’allégeance et commandent les réunions. Difficile de ne pas emboiter le pas. Comment ne pas suivre ces meneurs, qui semblent bien informés et bien organisés ?

Le nombre de militants rassemblés au camp patriote varie. Des témoins soutiennent : “Nous étions environ cent cinquante (150), dont cent douze armés (112), sous le commandement de Léon Ducharme et Toussaint Goddu. Quatre cents (400) hommes selon Isidore Dionne. Nous étions en tout de six cents à sept cents (700) sous le commandement de Malhiot (Témoignage de Marcel Sené). Cinq cents à six cents personnes, selon Jean-Baptiste Tétreau-Ducharme. Sept cents à huit cents (800), dont à peu près cinq cents étaient armés (Louis Brouillet). Quoiqu’il en soit, tous ces insurgés espéraient capturer le reste des troupes britanniques en débandade. Ils s’attendaient à une rapide victoire des Patriotes à Saint-Charles, tout comme à Saint-Denis les jours précédents. Ils ont été bien déçus de voir les Habits Rouges revenir triomphants.

Toussaint-Hubert Goddu (1793-1879) précise: “De Saint-Césaire, nous fûmes de soixante à soixante-dix (70) à la Pointe Olivier, dont cinquante à peu près avaient des fusils. Le but de notre marche à la Pointe Olivier était d’intercepter les troupes en revenant de Saint-Charles. Le nommé Malhiot commandait à la Pointe. Nous arrivâmes à la Pointe le samedi et nous y restâmes jusqu’au lundi soir. Il y avait un camp établi. Il y avait aussi à la Pointe deux pièces de canon montées sur des roues. Nous reçûmes ordre de marcher sur Saint-Charles. Nous ne fûmes que jusqu’à Saint-Hilaire où, ayant vu les troupes qui arrivaient, nous retraitâmes trois quart de lieues où nous passâmes la nuit. Le colonel Malhiot fut pendant cette nuit là pour reconnaître. Et il nous dit de l’attendre. Il revint vers les quatre heures du matin et nous fit marcher dans les bois jusqu’au petit rapide à une demi-lieue de chez M. de Rouville, où, ayant appris la force des troupes et voyant qu’elle était trop forte, nous nous en fûmes chacun chez nous”.

L’évêque de Montréal, Mgr Bourget, ajoute: “Après l’affaire de Saint-Charles, 1 000 à 1 500 volontaires se rallièrent à Saint-Mathias pour attaquer les militaires sur leur retour. Mais cette multitude indisciplinée et sans armes fut bientôt réduite à trois cents (300) hommes qui s’enfuirent à l’approche des troupes en laissant un mort sur la place (RAPQ, 1926-27, p. 148, 2 décembre 1837). Un homme du bas de Chambly a tiré sur les vainqueurs qui ont répondu par un coup de boulet à travers ses bâtiments; ce qui montre l’exaspération de ces insurgés dont un grand nombre cependant sont menés malgré eux et sans armes à la boucherie (RAPQ, 1926-27, p. 148, 2 décembre 1837).

Nous avons identifié cette victime “morte sur la place“. Il s’agit de Joseph Surprenant (c1782-1837), habitant de Sainte-Marie-de-Monnoir. Ce patriote inconnu, âgé de 56 ans, qui ne figure sur aucune liste actuelle des victimes des tumultes de 1837, sera enterré avec les honneurs dus à un baptisé, c’est-à-dire dans le cimetière catholique de Marieville (Registre, 1er décembre 1837).

Illustration: Toussaint-Hubert Goddu, patriote de Saint-Césaire qui fut exilé aux Bermudes.