Le barrage Fryer, une oeuvre d’ingénieur qui vieillit bien

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Cette structure résiste aux temps depuis 80 ans. Ce monument qui traverse la rivière Richelieu, érigé entre Saint-Jean et Chambly, relie les municipalités de Carignan et de Richelieu. C’est en 1938 que le gouvernement fédéral a commencé ce chantier, première partie d’un ambitieux projet de canalisation de cette rivière. Ce n’est pas tout à fait un “barrage”. Cette structure ne retient pas les eaux du Richelieu. On devrait plutôt l’appeler “digue de contrôle” des eaux, puisqu’elle devait maîtriser le débit et les crues, selon les saisons et les besoins de la navigation.

Cette rivière, la plus intéressante de la province au point de vue historique et l’une des plus belles sous le rapport scénique, baigne des terres généreuses. Mais elle est sujette à des caprices. Entre le lac Champlain et la région de Beloeil, où son cours devient plus profond, elle a tendance à s’épandre à la manière d’un lac, du fait que son lit est uniformément plat et sans profondeur. Il s’ensuit des inondations périodiques qui rendent inutilisables des terres qui seraient riches. Le problème préoccupe depuis longtemps les spécialistes.

On parle depuis 1907, au moins, de remédier à cet inconvénient. La Commission internationale des eaux limitrophes a étudié le problème. On allait agir en 1914. Mais la guerre est venue et les choses sont restées en l’état. M. Cardin a pris l’affaire en mains; il l’a fait étudier de nouveau par des techniciens; il l’a pilotée à Ottawa et, hier même, il faisait passer le crédit qui va permettre, cet été, d’entreprendre l’érection d’une digue entre Saint-Jean et Chambly. Cette digue normalisera le cours de la rivière, la rendra navigable en tout temps sans affecter les niveaux du lac Champlain et, surtout, rendra à la culture des terres à peu près sacrifiées…. Le Richelieu redeviendra la grande voie internationale de communication qu’elle était jadis, selon le journaliste Louis Francoeur. (La Patrie, vendredi, 2 avril 1937)

Ce barrage sera imposant et ses travaux ne le seront pas moins, ajoute-t-on. Le ministère des Travaux publics du Canada vient de faire parvenir au Maître de poste de Saint-Jean les plans et devis pour la construction d’un barrage de contrôle en béton avec vannes régulatrices en acier à l’île Fryer sur la rivière Richelieu. C’est la première réalisation de ce vaste projet de la canalisation du Richelieu dont il est question depuis si longtemps. C’est dire en somme que la construction du barrage est le début d’une série de travaux dont le coût total ne devrait pas être bien au-dessous de vingt millions de dollars. Ce barrage consistera en trente et un pertuis de trente pieds séparés par trente piliers et deux coulées, et mesurera 1 440 pieds de longueur. (Le Richelieu, 7 octobre 1937).

Sources: La Patrie, 2 avril 1937. Le Richelieu, 7 octobre 1937. Les Cahiers de la seigneurie de Chambly, no 36, 2012 par Paul-Henri Hudon

Photos: Collection de l’auteur & Archives André Corbeij ©