L’assemblée de mise en nomination. Un rituel politique turbulent

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Après l’annonce d’une élection, soit une semaine précisément avant le jour du scrutin, a lieu la mise en nomination, généralement au chef-lieu du comté. Ce rituel annonce la sélection finale des combattants et le départ officiel de la joute. Au soir de cette journée toujours très populaire, on saura qui entre en lutte et sous quel parapluie. Les partis auront fait leur choix. Tout indésirable pourra toujours se présenter « indépendant ». Il restera une semaine pour convaincre encore les récalcitrants.

“Cette cérémonie de la mise en nomination est belle, sublime et ne peut être appréciée dans toute sa légitime grandeur qu’en la comparant, qu’en la mettant côte à côte avec l’institution séculaire des batailles de coqs. Tous deux, coqs et candidats, sont parqués dans le même enclos. Ils sont entourés des mêmes amis, animés des mêmes intentions, juges en <coquasseries électorales> et en engueulement. Maître A prouve à ses partisans que Maître B, qui a l’audace de briguer les suffrages des électeurs, n’est qu’un scélérat. Maître B a peu de peine à démontrer que si son adversaire n’est pas pendu, c’est parce qu’il n’y a pas de corde assez forte. On se taloche, on se cogne, on précipite à bas les orateurs qui restent sur la tribune.On la défait, ce qui est plus simple.” (Joseph-Alfred Mousseau dans L’Opinion Publique, 1871, cité dans Hamelin, p. 81, 82).

Chambly n’échappe pas aux branle-bas bruyants: “Quand vint le tour de M. Lacoste de répliquer, la clique des fondeurs voulut jouer son rôle ordinaire, mais M. Lacoste les prenant à partie, ainsi que M. Préfontaine, fit rétablir le silence et continua sans interruption son discours“. (La Minerve, 25 avril 1878). M. Préfontaine avait organisé une <claque> (sic) pour interrompre les organisateurs conservateurs.” (La Minerve, 30 novembre 1881).

M. Taillon, à la fin de son second discours, s’apercevant de son impopularité chronique, trouva moyen d’impatienter tellement ses auditeurs, que les quolibets et les interruptions commencèrent à pleuvoir drues comme des mouches. Au lieu de tâcher de rétablir l’ordre, M. Taillon, au moyen de grosses farces au gros sel, s’occupa de provoquer les électeurs. A la fin, ne pouvant y tenir, il menaça de s’en aller: <Allez-vous en, lui répondit la foule>. Choqué alors, il demanda au président, son instrument docile, de clore l’assemblée, afin de priver M. Préfontaine de sa réplique. Le truc rata. M. Taillon et son président laissèrent la salle, entraînant avec eux à peu près une cinquantaine de personnes.” (La Patrie, 2 mars 1892).

M. Têtu, du journal Le Monde, voulut adresser la parole à la suite de M. Brodeur, mais l’assemblée refusa de l’écouter.” (La Patrie, 18 février 1892). “… dès ce moment, M. Morin a été sifflé et hué par la foule et a été obligé de terminer son discours à la hâte.” (La Patrie, 4 mai 1897).

Sources: Paul-Henri Hudon, Faire sortir le vote. Recherche de 230 pages, inédite, disponible aux archives de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly. Jean Hamelin, Les moeurs électorales dans le Québec de 1791 à nos jours. Les Éditions du Jour, Montréal, 1962, 124 pages.

Illustration: Le Monde Illustré, 4 juin 1887, page 1.