L’agriculture d’autrefois, un art sous-estimé

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – La machinerie agricole, les écoles d’agriculture, les agronomes, les nouvelles technologies, les engrais chimiques ont beaucoup amélioré la productivité des fermes agricoles. À n’en pas douter. Mais c’est à vitesse redoublée

Il reste cependant que longtemps l’agriculture fut un art, fait de sagesse, d’expériences, d’observations et de doigté pendant des siècles. Tout ce qu’un talent inné, un héritage irremplaçable pouvait générer. Un flair. Un don quoi. Ce que les livres n’apprenaient pas, l’école de la nature l’enseignait.

Connaître la nature des sols et des sous-sols, distinguer les terres légères et grasses, humides et froides, denses et friables, savoir lire les informations données par le soleil et les nuages, ne rien ignorer des pratiques agricoles ancestrales, riches de savoirs millénaires, pouvoir lire les informations données par les vents, prometteurs de pluies ou de brûlures, de pourritures ou de dessiccations. Savoir planter les bonnes semences dans les bons endroits aux bons moments de l’année. Bien orienter les cours d’eau, assécher les marécages“. (Onfray).

Bien plus, “savoir choisir les génisses et les étalons. Observer les vaches et les moutons, prévenir les maladies du cheptel. Accoupler le verrat et la truie. Se prémunir contre les prédateurs, les renards, la vermine. Savoir couler le miel et façonner la <tomme de chèvre> (Jean Ferrat). Construire les granges, entretenir les étables. Réparer la herse et la sleigh d’hiver.  Abattre en temps requis le veau gras et les chapons. Lever les récoltes“. Tout s’apprenait sur le champ. Un art acquis sur le tas. Puis les femmes poursuivaient la besogne: traire les vaches, écrémer le lait, baratter le beurre, filer la laine, introduire le boudin dans les tripes… et tant d’autres besognes où <avoir du nez> suffisait. Procédés faciles, direz-vous ? Mais où l’amateur échouait.

Tout ça à l’époque pas très lointaine, où les heures étaient rythmées par l’Angélus et l’orientation du soleil. À pas lents, mais répétés. Quand l’eau courante était recueillie depuis la toiture dans le tonneau de chêne. Comme écrivait Pierre Falardeau: “Les boeufs sont lents, mais la terre est patiente“.

Références: Michel Onfray, Cosmos, Éditions J’ai Lu. pages 476, qui renvoie à Virgile, <Bucoliques> ou à Hésiode <Les Travaux et les Jours>.

Illustration: Archives de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly. Labours d’antan.