Charles Dion de Chambly. Un inventeur génial ou un irresponsable viscéral? Sa vie à Paris

 

Paul-Henri Hudon

HISTOIRECharles Dion (1828-1918) est le fils ainé du boulanger Jean Dion et d’Éléonore Benoit. Il est le frère de Joseph-Octave Dion (1838-1916), restaurateur du fort de Chambly.  Au cours d’une carrière d’environ quinze ans, de 1851 à 1865, comme photographe à Montréal, Charles Dion réalise quelques innovations de son crû, (en daguerréotypie, en litho-photographie). Puis il  se lance dans les inventions de toutes natures: Un vélocipède à trois roues, un système de freinage pour les locomotives, un signal de banquise pour les bateaux, un perfectionnement de l’électro-aimant, une sonnerie d’alarme contre les incendies. Seule cette dernière a trouvé preneur à New York, où elle aurait été commercialisée par l”American Fire Director Co“. (La Minerve, 20 août, 25 novembre 1865, 5 mars 1879).

Après New York, Charles Dion se retrouve à Paris où il demeurera de 1880 environ jusqu’en 1918, année de son décès.  Là-bas, écrit Louis-Antoine Dessaules, il s’affaire “à six ou sept choses différentes: La bobine magnétique, la lampe électrique à arc, l’accumulateur, la pile primaire, le perfectionnement du phonographe, l’application du diaphragme reproducteur de la voix, l’application du même diaphragme au téléphone, une nouvelle bobine magnétique appliquée au téléphone. Voilà ce qui est fait en tant qu’invention…De plus, “Dion a fait faire une machine pneumatique pour y placer son galvanomètre, récepteur de messages transatlantiques...”. Il travaille aussi à produire un “poêle thermo-électrique”. (Aubin, pages 150 à 152, 159, 194, 208-209).

Le journal français L’Apôtre écrira: “M. Dion s’était occupé de lumière et de lois de l’optique… C’est ainsi qu’il a trouvé une méthode pour corriger la myopie” (L’Apôtre, page 535, vol 9, 12 août 1928). Il semble vivre de cette occupation sur la fin de sa vie. “L’ingénieux instrument qui lui sert dans son institut, 191, rue de l’Université à Paris, pour le traitement de la myopie, a été breveté dans tous les pays du monde... ” (La Canadienne, janvier 1910, page 574, vol 8, no 1). Il s’était aussi intéressé aussi aux microscopes.

Mais Dion n’a pas su tirer avantage de ses découvertes. Dessaules ajoute: “le pauvre garçon commet toujours une étourderie au moment du succès“. (p. 159). Louis-Antoine Dessaules agit comme “commanditaire” de l’inventeur Dion, avec qui il espère tirer des revenus substantiels. Mais ceux-ci ne se réalisent jamais. “L’innocent entreprenait de nouvelles choses, bonnes sans doute, mais qui le mangeaient, au lieu d’en compléter une“. (Lamonde, pages 294-295). “L’animal (!) a toujours cinquante manières jésuitiques d’expliquer ses insuccès… Je n’ai jamais vu un homme aussi complètement têtu...” (Aubin, p. 205).

Ces essais multiples avaient entrainé l’inventeur Dion à accumuler “une trentaine de mille francs de dettes en France… Il vivait dans une vraie misère…” (Aubin, p. 203-204). Sans compter les créances qu’il avait abandonnées au Canada: 300 $ à Joseph Doutre, 660 $ à Andrew Stewart, 125 $ à James Baylis, 130 $ à la veuve de Benjamin Delisle (Hudon, p. 11). Vers 1886, Charles Dion vivait en relation avec “Mlle McKinnon, une bonne vieille écossaise à laquelle Dion s’est fiancé. Ils vivent tous deux dans le désespoir de la patience, jusqu’à ce que Dion ait fait quelque chose“. (Aubin, p.187).  Il est décédé à Paris le 13 août 1918. L’infortune d’un passionné ? Ou l’étourderie d’un “patenteux” ?

Sources: Georges Aubin, Yvan Lamonde: Louis-Antoine Dessaules, Paris Illuminé: Le sombre exil, PUL, 2019, 251 pages.

Yvan Lamonde, Louis-Antoine Dessaules, un seigneur libéral et anticlérical, Fides, 1994, 372 pages.

Paul-Henri Hudon, Joseph-Octave Dion, un marginal dans le siècle. Recherche inédite de 153 pages, primées par la Fondation Percy-W. Foy en 2015.

Wilfrid Laurier à Paris. À l’extrême gauche, à l’avant Charles Dion, à l’arrière le Dr Paul Ostiguy de Chambly. 22 juillet 1897.