Paul-Henri Hudon
HISTOIRE – Précisons que le terme « cageux » s’applique tout aussi bien au radeau (ou cage) qu’aux meneurs de radeaux. Tout comme au Québec, le mot « traversier ».
Avant même que la glace ne soit disparue sur la rivière Richelieu, s’étaient activés les marchands de bois, les expéditeurs. Les flotteurs de bois, dirons-nous.
Nombreuses ont été les cages, ces radeaux improvisés, ces porteurs de charge qu’on avait préparés tout l’hiver. L’entrepreneur avait soin de garnir la cage d’un abri pour les « cageux », et d’un mât pour profiter des vents favorables. C’était tout un sport pour ces rameurs, une aventure gaillarde pour ces meneurs de cages. Ces lurons y maîtrisaient aussi un vocabulaire de circonstances, un jargon de métier. On parle de « drames », de « Écribes », de « plançons », de « flottes » et de « traverses ».
On les appareillait sur la neige, sur la glace. Et quand se mettait en branle la grande débâcle, ces « cageux » descendaient ensuite les rapides, favorisés par la crue des eaux. On les rassemblait dans le bassin de Chambly, formant des trains flottants en direction de Québec. Et de Québec, tout ce bois s’en allait en Angleterre.
Ainsi Louis Papineau engageait, en novembre 1816, Jean-Baptiste Jetté pour mettre en cages bien et solidement faites vingt-quatre mille pieds cubes de pin et trois mille barres d’anspects (handspikes), soit près de la rivière du Sud, endroit propice pour mettre en cages, ou près la rivière Richelieu,… et que le dit Jetté sera tenu de ramasser ensemble pour mettre en cages, en par le dit Papineau lui fournissant, rendues aux places propices, toutes les traverses et flottes nécessaires pour le bois.
Le dit Jetté sera tenu de les mettre en cages de quatre-vingt pieds, dont il y aura sept traverses par quarante pieds, deux sabots (?) au petit bout de la traverse, un sabot au milieu avec un autre et une grenoble (un gouvernail ?) au gros bout.
Comme aussi fournira le dit Jetté seize rames bien faites au dit Papineau, et placera, à volonté du dit Papineau, huit nages (?) pour chaque cage de quatre-vingt pieds.
Le dit Jetté s’oblige rendre les dites cages bien et solidement faites au plus tard au vingt de mai prochain à Sainte-Thérèse à la grève de Joseph Courtemanche ou en deçà (René Boileau, 20 novembre 1816).
Illustration: Gravure attribuée à Adolphus Bourne (1795-1886). Des cageux dans les rapides de Chambly. Bordant la rive gauche, les établissements manufacturiers des Willett, où l’on distingue le bief formant l’amenée d’eau aux moulins.
Références: Paul-Henri Hudon, Des cageux de bois sur le Richelieu, Recherche inédite primée par la fondation Percy-W. Foy en décembre 2005, 65 pages. Voir Le Montérégien, 2 décembre 2018.