Charles Fraser-Guay
CINÉMA – Lors de notre critique du film « The last Jedi », nous avions noté une marvelisation de Star Wars. Cette tendance se poursuit de manière accélérée avec « Solo ». Disney nous donne un deuxième film de la série en quelques mois à peine, de quoi laisser exsangues même les plus grands fans.
Sans surprise, il est basé sur la jeunesse du célèbre contrebandier Han Solo, l’un des personnages les plus attachants de la franchise. Mais, était-il vraiment nécessaire de revenir sur son parcours mythique? Quelques éléments biographiques tirés de la série originelle, comme le légendaire « raid de Kessel en 12 parsecs » ne donnait nécessairement assez de matière pour faire un film de deux heures, parlez-en à Peter Jackson avec sa trilogie inutile sur Bilbo le hobbit.
Ce « prequel » est donc le deuxième film de l’univers élargi de Star Wars, après l’excellent « Rogue One ». Contrairement à son prédécesseur dont l’inspiration puisait dans les films de guerre, « Solo » nous renvoie au Western avec son héros solitaire au grand cœur.
Selon la productrice, les réalisateurs Phil Lord et Chris Miller (avant leur renvoi) se seraient librement inspirés de « She Wore a Yellow Ribbon », mais nous sommes toujours à la recherche d’un lien esthétique entre les deux films. Pour ajouter à l’archétype, il y a cette énième variation de l’amoureux transi cherchant à libérer son amoureuse. En lisant le synopsis, notre intérêt pour « Solo » était aussi élevé que le niveau d’intelligence d’un Ewok.
À la suite du visionnement du film, nous devons toutefois reconnaître que « Solo » n’est pas le naufrage attendu. Des rumeurs défavorables entouraient pourtant sa sortie depuis des mois. Initialement, le film devait être réalisé par les talentueux Phil Lord et Chris Miller, davantage associés à des comédies comme « Lego » ou « 21 Jump Street ».
Des divergences artistiques majeures furent à l’origine de leur renvoi. La productrice, Kathleen Kennedy, leur reprochait, entre autres, de s’éloigner du scénario original. Le film risquait de devenir une sorte de « Gardien de la Galaxie » sous l’acide. Ron Howard fut alors appelé à la rescousse. Les bonzes de Disney lui donnèrent le mandat de redresser la barre de « Solo », mais son embauche ne rassura guère les amateurs de la franchise. Le réalisateur d’« Apollo 13 », il faut le dire, a perdu de son lustre. Il a subi son lot d’échecs depuis dix ans (« Le dilemme », «Au cœur de l’océan » et « Inferno »).
À notre grande surprise, cette fois, ce technicien se tire fort bien d’affaire. Son « Solo », sans être transcendant, est plutôt divertissant : nous sommes loin d’un ratage historique à la « Transformers 5». Sa réalisation fluide et très académique ne passera pas à l’histoire, mais elle demeure somme toute correcte.
Prisonnier d’une échéance de production extrêmement restreinte, il privilégie l’efficacité et évite ainsi les fioritures inutiles. Donnons à Ron ce qui revient à Ron, il est parvenu à « reshooter » 70% du film, en quelques semaines à peine, un tour de force méritoire. Pour une superproduction de 250 millions, il a sans doute sauvé la mise à Disney.
Le cinéaste respecte l’essence de la série et sa mythologie. Il ne s’aventure pas à l’extérieur de ce cadre extrêmement balisé. « Solo » s’inscrit donc dans la continuité des autres épisodes sans détonner ou polariser, comme « The last Jedi ». Bref, la magie de Star Wars opère, même si le dernier tiers du film manque de rythme.
Les deux scénaristes ont concocté un scénario prévisible, mais globalement, il tient la route. Lawrence Kasdan, qui reprend ici du service, connaît chaque rouage de l’univers de Star Wars et cela est clairement perceptible. L’idylle entre Han Solo et Qi’Ra est le point faible du scénario. Nous ne sommes pas loin de la mièvrerie de « Attack of the clones », d’autant plus que John Powell, l’émule de John William, nous bassine les oreilles avec une musique sirupeuse à souhait.
La psychologie du personnage principal est respectée. Aldren Ehrenreich, le jeune acteur personnifiant Hans Solo, se tire fort bien d’affaire. Il n’a pas le magnétisme d’un Harrison Ford, mais sa gestuelle et ses mimiques s’apparentent fortement à celle de l’acteur vieillissant. Woody Harrelson, dans la peau de Tobias Beckett, fait, comme à son habitude du Woody Harrelson, mais ce n’est pas vraiment un défaut. Il donne du tonus à une distribution relativement jeune. En fait, c’est Donald Clover qui vole la vedette à ses confrères et consœurs. L’interprète de Landau Calrissian est juste assez cabotin pour ne pas sombrer dans la caricature et il ajoute une bonne touche d’humour au film.
En conclusion, « Solo » n’est pas le meilleur film de la série ni le pire. Il vous fera passer un bon moment de cinéma, sans jamais vous sortir de votre zone de confort. Il faut cependant souligner qu’avec un film par année, Disney commence sérieusement à étirer la sauce galactique. La compagnie devrait commencer à espacer davantage les sorties des épisodes futurs sous peine de diluer son produit et de le faire tomber dans l’insignifiance. L’échec actuel de « Solo » au box-office devrait les faire réfléchir.