Signes religieux : invoquer le congédiement est un faux argument

OPINION – Dans le débat entourant l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires chez certains employés ou représentants de l’État, un argument est souvent invoqué par ceux qui s’y opposent. Des personnes pourtant compétentes seront congédiées, prétendent-ils. Cet argument est tendancieux car il renvoie le blâme sur l’État employeur alors que, dans les faits, c’est la personne qui, en refusant de respecter la règle, choisit de mettre son emploi en jeu.

Certains diront que peu importe puisque le résultat est le même. Attention ! Au-delà du résultat, la différence de perspective n’est pas anodine; elle est fondamentale. On peut se présenter en victime dans le cas d’un congédiement, mais ce n’est pas le cas ici. Dans un passé récent, nombre d’employés et de cadres du secteur public ont été placés dans une situation similaire et, pourtant, personne n’a crié à l’injustice.

Prenons un exemple. Depuis 1995, Marie travaille au service de la paie d’un CLSC. Parents de deux jeunes enfants, Marie et son conjoint ont choisi d’habiter à proximité du CLSC pour éviter d’acheter une deuxième auto. En 2005, le gouvernement fusionne plusieurs établissements du réseau de la santé. Conséquence : le service de la paie des établissements fusionnés est relocalisé à l’hôpital situé à 25 Km de chez Marie. Elle voit ses conditions de travail changer radicalement : lieu de travail, équipe de collègues, tâches, horaire, etc. Marie est placée devant un choix : accepter ses nouvelles conditions de travail ou démissionner. Ce choix lui appartient.

Le couple a finalement acheté une deuxième auto. Dix ans plus tard, le gouvernement procède à une seconde vague de fusions d’établissements. Le service de la paie centralisé sera relocalisé à 40 km de chez Marie, avec en prime des bouchons de circulation matin et soir…

Les impacts humains et financiers que peuvent avoir les changements aux conditions de travail sont multiples : devoir déménager, acheter un véhicule, trouver un nouveau service de garde, changer les enfants d’école, se taper des heures de trafic quotidien, ne plus voir ses enfants (horaire de nuit), abandonner une activité qu’on adore, etc. En comparaison, que représente la mise au rancart de signes religieux personnels le temps de son quart de travail?

Travailler pour l’État n’est pas un droit mais un privilège. Comme pour tout emploi, cela vient avec ses exigences et ses contraintes. L’interdiction des signes religieux ostentatoires, quels qu’ils soient, en est une. Les personnes concernées auront donc un choix à faire : respecter les nouvelles règles ou renoncer aux fonctions qu’elles occupent. Si elles préfèrent renoncer à leur emploi pour des motifs religieux, ce sera un choix personnel, pas un congédiement.

Dans ce débat important mais très émotif, refusons le faux argument des pertes d’emploi prétendues et cessons d’endosser le sentiment de culpabilité que plusieurs tentent d’imposer en se posant en victimes.

Réal Gendron,

Chambly