« Ready Player One » : Le plaisir, bon enfant, de l’évasion filmographique !

 Charles Fraser-Guay

CINÉMA – « Ready Player One » est un retour aux sources réussi pour Steven Spielberg. Film sans prétention, férocement distrayant et avec des effets spéciaux de grande qualité, cette superproduction réussit là où plusieurs films « grands publics » ont échoué, durant les dernières années, soit à trouver un équilibre entre l’action frénétique, l’histoire et l’émotion.

Le film se déroule en 2045, dans un monde surpeuplé et dysfonctionnel. Le spectateur aperçoit d’emblée une montagne de caravanes empilées les unes sur les autres. Cette image « cartoonesque » d’un futur imparfait frappe notre imaginaire.

L’introduction est brève : le peuple désespéré a choisi de se réfugier dans l’Oasis, un monde virtuel où tous les rêves sont permis. Il suffit d’enfiler un casque et le tour est joué! Ce monde alternatif a été créé par James Donovan Halliday, une sorte d’émule de Steve Jobs, mais en plus sympathique.

À son décès, l’inventeur de génie, sans successeur potentiel, proposera aux utilisateurs de l’Oasis de participer à une chasse au trésor. Grâce à une multitude d’indices reliés à la vie d’Halliday, les participants devront découvrir trois clés camouflées, sous la forme d’easter eggs. L’enjeu est plutôt élevé, car le gagnant se verra attribuer le plein contrôle de l’Oasis.

Nous suivons donc Wade (Tye Sheridan), un orphelin élevé par sa tante. Isolé, sans véritables amis et anonyme, il rêve de résoudre les trois énigmes. Le garçon connaît la vie d’Halliday dans ses moindres détails. Il deviendra, une fois la première clé découverte, une cible de choix pour une multinationale sans âme (Innovative Online Industries) et pour son directeur général, Nolan Sorrento.

« Ready Player One » est l’adaptation d’un livre d’Ernest Cline sorti en 2011. Spielberg, bien entendu, a édulcoré les éléments moins « grand public » de l’histoire. Les amateurs du livre seront sans doute, en partie, déroutés par les transformations subites par l’œuvre originale. Globalement, le réalisateur a conservé les éléments les plus importants de l’intrigue et est quand même parvenu à en transmettre l’essence.

Le film s’adresse à un public varié. De l’adolescent, amateur de films d’action, jusqu’aux geeks, en passant par les nostalgiques des années 80, tout et chacun se sentira également interpellé. « Ready Player One» est d’abord et avant tout un plaisir pour les yeux. La compagnie d’effets spéciaux, Industrial Light and Magic, a fait un travail colossal. Les prises de vues réelles ont été filmées il y a deux ans, ce qui donne une idée de l’ampleur du travail en postproduction. Ce film est d’ailleurs l’un des seuls qui méritent réellement d’être regardés en trois dimensions.

Au-delà des effets spéciaux, Spielberg fait de bons choix du point de vue scénaristique. Cette avalanche de références à la culture “pop”, cette orgie de couleurs diverses et d’images de synthèse, ne se fait jamais au détriment de l’histoire elle-même. Elle ne se dissout pas, comme bien souvent, dans une masse d’effets visuels indigestes. Nous ne sommes pas ici dans un énième « Transformers ».

Il s’agit donc d’un retour aux sources, pour le cinéaste, après l’échec du film  « Le bon gros géant » et la réalisation d’œuvres plus sérieuses  telles « The post » et « Le pont des espions ». Bref, il surpasse encore ses jeunes confrères et conserve le titre du maître du divertissement familial. D’ailleurs, le plaisir de Spielberg est manifeste et palpable. Il nous plonge, avec talent, dans ce monde virtuel, truffé de références.

Le film perd cependant de son originalité, durant le dernier tiers, avec son énième combat final, où le héros devient le porte-étendard du bien. Sympathique, mais prémâchée, nous avons droit à une bluette sentimentale plutôt inutile. La phrase-choc répétée par Wade démontre l’aspect un peu simpliste du film : « Seul le réel est réel. »

On ne peut pas dire qu’elle se distingue par sa profondeur philosophique. Toutefois, Spielberg n’a jamais eu cette prétention. Le réalisateur est un éternel optimiste. Sa morale, que nous qualifierons « de bon scout », a toujours fait partie intégrante de ses films.

Ainsi, sans nécessairement se réinventer, Spielberg modèle cette superproduction à son image. Nous retrouvons dans « Ready Player One» ses thèmes de prédilection depuis quarante ans : la famille dysfonctionnelle, des questionnements sur la technologie et ses effets pernicieux, les épreuves comme passage à la vie d’adulte, etc. Son film s’inscrit donc dans la lignée d’« E.T. », de « Capitaine Crochet », de «Jurassic Park » ou d’« Indiana Jones », souvent pour le meilleur et rarement pour le pire.