Radio et Lady : programme double complètement Gaga !

Pierre-Yves Faucher

CINÉMA – Cette semaine, jasons musique de film ou biographie musicale. Ça faisait longtemps que je n’étais pas allé en salle pour voir une « vue ». Je m’étais ennuyé un peu de cette expérience, surtout pour des films où la bande sonore doit être surdimensionnée pour qu’elle soit appréciée à sa juste valeur. Pour Bohemian Rhapsody, les conditions étaient idéales pour apprécier l’environnement sonore. Pour A Star is Born, le cinéma maison a malgré tout bien fait le travail.

Disons-le d’emblée, Bohemian Rhapsody est un film divertissant d’un bout à l’autre. Rami Malek incarne très bien le personnage principal en étant juste dans tous les aspects du jeu. Il est aussi très à l’aise quand la musique prend toute la place. La bande sonore est impeccable et sonne comme une tonne de briques, même à leurs débuts dans les bars et en répétition par la suite.

Et leur présence à Live Aid en 1985 a consacré l’apothéose de ce groupe, qui en six chansons et 21 minutes de prestation, a brassé la cage des 72 000 personnes présentes au stade Wembley à Londres et de deux milliards de personnes devant leurs écrans de télévision.

La réalité et la fiction

Donc, la musique prend une place importante, tout comme la vie de Freddy Mercury en ce qui concerne la trame dramatique. Vie personnelle, affective, sexuelle, professionnelle, toutes les facettes y sont présentées de façon plus substantielle que pour les trois autres musiciens, Brian May, John Deacon et Roger Taylor qui semblent n’avoir aucune vie personnelle et qui ne font acte de présence que dans le bureau du gérant et sur scène.

On ne les voit presque pas faire des abus de liquides alcoolisés et de substances illicites. On devine, mais sans plus. Ils auraient pourtant bien eu leur place dans le livre d’Anne-Sophie Jahn « Les sept péchés capitaux – sexe, violence, argent, les nouveaux excès de la musique » dont on a déjà traité dans Le Montérégien l’an dernier.

On soupçonne que les épisodes les plus scabreux ont été écartés pour obtenir la classification PG-13 (Accompagnement fortement recommandé) plutôt que R (interdit aux enfants de 17 ans et moins), ce qui fait en sorte que davantage de jeunes puissent avoir accès au film.

Dans ce cas-ci, pour mieux apprécier l’expérience cinématographique en tant que spectateur et fan, il nous faut accepter les nombreux raccourcis empruntés et les détournements de vérité de ce film ne sont pas des erreurs de production. Mais pourquoi tordre la réalité quand la vérité est déjà dramatique en elle-même?

De ces libertés, on peut parler entre autres du déroulement de leur première rencontre, le fait que John Deacon n’ait pas été le premier bassiste de Queen mais bien le quatrième, de la véritable date de la divulgation par Freddy Murcury de sa maladie au groupe. Ou encore, le fait que Queen ne s’est jamais vraiment séparé, donc Live Aid en 1985 n’était pas le retour sur scène du groupe après une longue période de conflit. Huit semaines auparavant, ils avaient joué à Osaka dans le cadre d’une tournée au Brésil, en Nouvelle-Zélande, en Australie et au Japon. Et ils n’ont pas été ajoutés à la dernière minute comme on le relate dans le film.

Le guitariste Brian May a participé à la production du projet et certains critiques lui ont reproché d’avoir évacué tout ce qui ne lui donnait pas le beau rôle ainsi qu’à ses deux autres collègues encore vivants. Un exemple parmi tant d’autres. Une des scènes qui illustrait le mieux les tensions au sein du groupe, c’est quand Mercury annonce aux autres qu’il a reçu une offre pour réaliser un album solo. Les trois autres étaient furieux, le traitant de traître à la cause Queen.

Or, dans la vraie vie, Taylor et May avaient leurs projets musicaux respectifs bien avant que Freddy Mercury ne sorte son album solo en avril 1985 (Mr Bad Guy). Roger Taylor a enregistré deux albums en 1981 et en 1984 (Fun in Space, Strange Frontier) et Brian May est entré en studio en 1983  à Los Angeles en compagnie d’Eddie Van Halen pour y enregistrer un mini-album (Star Fleet Project). L’album de Mercury (Mr Bad Guy) n’a été mis en marché qu’en avril 1985 et cela n’a pas causé de remous dans le groupe, semble-t-il.

Bien sûr, on doit tourner les coins ronds pour résumer autant d’années de carrière et faire un film de deux heures. Et on n’a jamais prétendu que c’était un documentaire.

Une étoile fictive est née

D’autres prestations d’acteurs impeccables avec Lady Gaga et Bradley Cooper dans A Star is Born qui raconte l’histoire d’une vedette country sur son déclin (rapide) et l’ascension fulgurante d’une jeune chanteuse. Quand une histoire est bonne, l’industrie la repique à toutes les sauces avec une structure de scénarisation éprouvée auprès des publics de toutes les époques. Donc, valeur sûre à prime abord. L’original de 1937 a été suivi de reprises en 1954, en 1976 et en 2013, dans le cadre d’un mélodrame Bollywoodien.

Ici aussi, on a droit à une bande sonore impeccable avec dans ce cas-ci des voix toujours en direct, le réalisme amplifié donc, contrairement à l’approche traditionnelle du préenregistrement des chansons et du lip-sync sur le plateau de tournage qui est la façon la plus sécuritaire de procéder.

L’équipe technique a réalisé des entourloupettes en utilisant la scène et les spectateurs de festivals comme Coachella et Glastonbury. J’escamote de nombreux détails sur la complexité du processus, mais disons qu’au bout du compte, la mise en forme de la bande sonore a nécessité presque 7 mois de travail. Le pari de Bradley Cooper en tant que réalisateur a été gagné haut la main.

De prime abord, la tension dramatique m’a semblée un peu atténuée étant donné que tout comme le film sur Queen, on connaît un peu l’histoire et comment elle finit. La descente aux enfers du personnage de Cooper est lente et nuancée, ce qui nous donne un film moins rythmé que celui sur Queen.  Mais le jeu de Cooper et de Lady Gaga est très crédible, surtout elle dans un premier rôle. Dans son cas, il n’y a rien comme jouer un personnage très près de soi pour passer la rampe avec les honneurs.

En bref 

Pour faire la promotion du film Bohemian Rhapsody, un album a été produit contenant plusieurs succès et 11 chansons jamais mises sur le marché et les 21 minutes de leur prestation au Live Aid qui n’avaient jamais été sorties en format audio. Une sortie des formats vinyle de la bande sonore de Bohemian Rhapsody est prévue pour le mois de février ou mars 2019.

Comme tout est dans tout et qu’il faut bien croire aux coïncidences même planifiées par le showbiz, le nom de scène de la star de A star is Born provient d’une chanson de Queen, Radio Gaga.  Elle adorait le groupe et cette chanson.

Biographie musicale à venir sur John Lennon et Yoko Ono

Espérons que les producteurs du film à venir sur la vie de John Lennon et Yoko Ono avec Jean-Marc Vallée à la réalisation ne se permettront pas des écarts sur la vérité, parce que je soupçonne que les fans des Beatles les attendent avec une brique et un fanal, surtout les conspirationnistes qui s’attendent (probablement) à ce que Yoko se donne le beau rôle.