Quand on se mariait dans le même village

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Nos ancêtres n’allaient pas loin pour “sauter la clôture”. On allait prendre épouse chez le voisin, ou dans le même “rang”, parmi les gens de même statut. Car il s’agissait non pas seulement de prendre un mari ou une compagne, mais d’engager deux familles, deux patrimoines.

S’épouser signifiait aussi doter le partenaire et mettre en commun des biens, terrains, meubles, animaux. Pères et beaux-pères devaient approuver. Le notaire avait consigné les “promesses des époux de faire célébrer le mariage le plutôt que faire se pourra”. Le curé, connaissant bien ses ouailles, donnait sa bénédiction. Le lien du mariage à l’église et lui seul consacrait l’union légale.

Nous connaissons à l’origine de Chambly des mariages familiaux septuples. Une famille dont sept enfants ont épousé sept sœurs ou cousines d’une même famille. Les Demers dit Chefdeville et les Poirier dit Lajeunesse font partie des pionniers fondateurs de Chambly. Sept fois mariés entre eux dans les années 1730-1750. De telles unions lient des familles dans des réseaux très serrés. Si l’harmonie est au rendez-vous, c’est pour le « meilleur ». si par contre des conflits familiaux éclatent, les fractures risquent de diviser le clan. Mais admettez qu’on allait pas loin pour “trouver chaussure à son pied”.

Plus tard, le 20 septembre 1813, Joseph Gareau, originaire de Beloeil, est allé épouser à St-Antoine Angélique Choquet, native de St-Denis. Le curé de St-Denis était absent. Jean-Baptiste Bédard, curé de Chambly, écrit alors à son évêque: “J’apprends que deux personnes de ma paroisse, Joseph Garaut et Angélique Choquet ayant eu permission, l’automne dernier, d’aller se marier à Saint-Denis, ont été, dans l’absence du prêtre desservant alors Saint-Denis, se marier à Saint-Antoine et sont revenus dans ma paroisse. Je ne demande pas à Votre Grandeur si le mariage est nul, je n’ai aucun doute là-dessus, mais je prie Votre Grandeur de me dire quelle formalité je dois observer pour le rendre valide et en particulier s’il faudra en dresser un acte, supposé que le prétendu mariage n’ait aucune force quant au civil”. Les hommes de loi de la place, consultés, affirment qu’un tel mariage n’est pas valide. On devra donc “réhabiliter” le mariage à Chambly. Ce qui fut fait le 11 septembre 1814. On ne badine pas avec le lieu du mariage.

Références: Archives du diocèse de Saint-Jean-Longueuil: Lettre de J. B. Bédard à Monseigneur, le 27 août 1814, (Doc 1A -35).

Opinion Publique, 10 février 1881. Acte de mariage, paroisse St-Joseph-de-Chambly, 11 septembre 1814