Quand on invitait les habitants à coloniser de nouvelles terres

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – À l’époque où des terres neuves s’offraient aux défricheurs, l’Abitibi, le Lac-St-Jean, le Témiscamingue et d’autres, il fallait encourager les habitants à s’y installer, plutôt que d’émigrer aux États-Unis. À Chambly, Joseph-Octave Dion aurait mobilisé l’association d’ouvriers, appelée <L’Union St-Joseph>, de Montréal, à choisir le terroir, plutôt que le ciment des villes, pour gagner sa vie. Il écrit: “À M. Arthur Dansereau. J’ai le plaisir de vous annoncer que j’ai reçu une lettre du Bureau d’agriculture par laquelle l’Honorable Commissaire de ce département me félicite d’avoir tenté l’essai d’amener « L’Union St-Joseph » de Montréal à fonder une colonie sous son patronage; je serais si heureux de réussir à mon retour, comptant sur votre patronage…”. (Lettre du 29 mars 1876).

  La “Société de colonisation de Montarville”, fondée vers 1883, présidée par Gérard Benoit (de St-Hubert), fils du député fédéral Pierre-Basile Benoit, va fonder le canton de Kiamika sur La Lièvre. Un instituteur de Chambly Joseph Guérin, sera parmi les premiers colons.

Les conseils ne manquent pas aux arrivants: “Comment choisir un bon lot:  La bonté du sol se reconnait à la croissance vigoureuse des plantes, à la netteté de leur écorce. Les terres noires ou tirant sur le noir et qui donnera cette couleur à l’eau qui a séjourné quelques temps à sa surface, sont de bonne qualité… Il faut tenir compte aussi des accidents du terrain: marécages, bas-fonds, swamps, rochers, qui prennent de la place et rendent la culture difficile et coûteuse et qui, plus tard, seront taxés comme de la bonne terre et ne vous rapporteront rien…”

 “Les bois mêlés, ceux qui contiennent par exemple de l’érable, du merisier, un peu de frêne, du bois blanc et de l’épinette indiquent généralement de bonnes terres. Si ces arbres sont bien élancés, vigoureux, il n’y a pas à s’y tromper, la terre est bonne…” “Mieux vaut prendre un lot bien exposé au soleil du midi et garanti par des montagnes contre les vents froids du nord… Les terrains qui ont une forte pente sont difficiles à cultiver. Il faut les éviter. Les terrains plats et en terre forte sont souvent difficiles à égoutter…”

 “L’eau pour une ferme est aussi importante que la poudre pour le chasseur. Prévoyez donc d’avance où seront les bâtiments, le jardin, etc. Et s’il y a une source, une crique, un bout de rivière ou de lac sur votre lot, tenez en compte et tirez vos plans en conséquence…”

 “On ferait bien de commencer par camper sous une tente au lieu de bâtir en arrivant. On a ainsi le temps de mieux connaitre les défauts et les avantages de sa terre et de choisir avec plus de justesse l’emplacement qui convient aux bâtisses… On peut très bien rester sous la tente jusqu’à la Sainte-Catherine… ou bien faites vous une cabane, recouvrez la avec des écorces ou des auges de cèdre, mettez des branches de sapin comme plancher. En plaçant cette cabane à l’abri du vent de nord, vous pourrez y dormir sans crainte jusqu’à la Toussaint…”

 “Cette méthode vous permet de vous mettre à l‘efferdochage de suite. À mesure que vous rencontrez une épinette ou un sapin qui peut vous convenir pour bâtir, vous l’abattez, l’ébranchez, le coupez en longueur et le laissez sur place… Ramassez ensuite de la mousse de roche, mousse d’érable, de frêne, de merisier… et faites la sécher à l’ombre et à l’airCela vous servira pour votre future maison“.

Références: Archives de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly. Document 382-10. “Le livre du colon. Comment s’installer sur une terre pour presque rien“, La Terre de Chez-Nous, publié en 1902, réédité en 1996, 70 pages.

Illustration: Monde illustré, 3 avril 1897, p. 5.