Paul-Henri Hudon
HISTOIRE – «Monseigneur, si je prends la liberté de vous écrire c’est pour vous donner connaissance de la triste situation où je me trouve réduit par ma faute pour n’avoir pas fait assez attention à ce que vous m’aviez écrit vous-mêmes au sujet de ma demande pour cette cure de Chambly où je suis à présent. Ah que n’ai-je donc accepté plutôt la Pointe-aux-Trembles avec toutes ses portes et secrets (?). Et que n’est-il en mon pouvoir d’y retourner avec paye ?
Depuis trois semaines, j’y vis languissant (à Chambly) dans une ennuie mortelle (sic) qui surpasse tout ce qu’on peut en dire. Ce n’est point l’ouvrage qui m’effraie quoiqu’il y en ait beaucoup.
Mais hélas ! Quelle différence entre ce que je m’étais figuré de loin et que je vois de près d’une manière si terrible pour le local et les inconvénients, les personnes, l’Église, le presbytère et tout ce qui s’en suit. Tout y est en désordre et hormis tous les jours de nouveaux sujets d’ennui et de chagrin. Quelle diser… (?) même parmi ceux de qui je devais attendre plus de consolation, comme ecclésiastique.
Et ce qui met le comble à mon chagrin, c’est que j’entrevois que le grand motif qui me faisait désirer cette paroisse pour le bien être spirituel d’un beau-frère et de plusieurs neveux n’aura pas lieu probablement. Par les circonstances où je les trouve engagés est qu’il y a bien de grandes oppositions à mes vues pour ce qui regarde le fait de la religion…
J’ai déjà tenté plusieurs fois de tout abandonner et de m’en retourner comme j’étais venu, sans rien dire. Mais la crainte du Seigneur m’a retenu et me retient encore dans la carrière de mes devoirs ecclésiastiques. Il faut que je souffre la peine due à mes péchés et particulièrement pour mon étourderie de n’avoir point consulté Votre Grandeur en dernier ressort et d’avoir acquiescé trop légèrement aux offres que vous aviez la bonté de me faire uniquement pour me contenter.
Le mal est sans remède peut… je le vois. Et il ne me convient pas de me plaindre ni de demander aucun soulagement. Je le comprends bien. Ainsi je me contenterai de gémir comme la tourterelle jusqu’à ce qu’il plaise au Seigneur de me délivrer des mes peines et chagrins.
Mais qu’on en dise, qu’on en pense tout ce que l’on voudra, j’ai cru devoir vous ouvrir mon cœur dans toute la simplicité et sincérité possibles. Étant avec respect, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur, Berthiaume, prêtre, 24 octobre 1794.»
Le curé Jean-Jacques Berthiaume sera muté à Château-Richer en 1796. Archives du diocèse de Saint-Jean-de-Québec; Lettre de Jean-Jacques Berthiaume, curé de Chambly, 24 octobre 1794 à Monseigneur (Doc 1A- 11).
Photo: Église de Saint-Joseph, construite en 1810, incendiée en 1881. Archives de la Société d’histoire.