Notre folklorique jour de l’An a des racines lointaines

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – La coutume, qui est en voie de disparition au Québec, voulant que le patriarche de la maisonnée donne sa bénédiction à sa descendance, avait lieu le premier de l’An. À l’occasion d’une rencontre familiale nombreuse et joyeuse. Suivait l’échange  les souhaits,  puis les cadeaux. Les hommes parlaient fort politique, trinquaient au rhum, fumaient des “Havanes”à en boucaner les rideaux, jouaient aux cartes. Les matantes popotaient dans la cuisine. Les cousins reluquaient chastement les cousines. La “visite” veillait tard.

Alors que la fête de Noël obéissait à un phénomène astronomique, soit le solstice d’hiver ou la fête de Yule. (À propos, le mot Noël ne serait-il pas un dérivé linguistique de Yule, Yole, Youel ? (Hou! hou! Les savants! Question posée ???). Le jour de l’An, lui, relève d’un calcul chronologique, soit la mesure du temps, ou le besoin d’établir un calendrier.

L’empereur romain Jules César décida que le 1er janvier serait le jour de l’An nouveau, et non le premier mars, comme auparavant. On est en 46 avant l’ère chrétienne. Les Romains dédiaient ce jour à Janus, le dieu des portes et des commencements. D’ailleurs le mois de janvier (January) doit son nom au dieu Janus. Quant à César, c’est son prénom qui immortalise le mois de Julius (juillet). Ainsi le calendrier julien divisait le cycle de l’année en 365 jours, 12 mois, plus une année bissextile de 366 jours aux trois ans, mais en oubliant quelques jours égarés. Nous vivons aujourd’hui sous l’ère du calendrier grégorien depuis le 4 octobre 1582. La date qui suivit le jeudi 4 octobre, a été… le 15 octobre. Eh oui ! Ceci pour établir une correction, un décalage avec le temps des astres et celui des astronomes. Le calendrier julien et l’année solaire n’étaient pas “synchronisées”.

Chez les romains, les premiers jours du mois, appelés les “calendes“, étaient le moment où on devait payer les loyers et les dettes. Aujourd’hui, l’État verse les aides aux particuliers à la fin ou au début du mois (Aide sociale, pension de vieillesse). Les loyers sont dus le premier du mois. Il y a un vieux fonds romain dans nos traditions civiles.

Il semble qu’en France, on célèbre l’année nouvelle à la Saint-Sylvestre, le 31 décembre, plutôt que le premier de l’An comme chez les Québécois. Ces Gaulois réveillonnent, mangent bon, boivent bien, lancent des pétards d’artifice, font un boucan dans les rues, investissent les cabarets.

À bien y penser, cette bénédiction paternelle québécoise, sous le modèle antique d’Isaac (Genèse, 27, 27), fut-elle largement pratiquée parmi la “race” canadienne française ? Ou fut-elle exagérée par un imaginaire religieux, portée par un désir clérical d’établir une transposition du “Notre Père” sur le chef de famille paysanne. Une sorte de “para-sacrement”. Était-ce une tradition pratiquée surtout chez les familles bien ? Qu’en était-il des familles brouillées, désorganisées, du père “absent”, des groupes moins pratiquants ?

Illustrations: Edmond-J. Massicotte, La bénédiction paternelle, 1912. La visite du jour de l’An, L’Opinion Publique, 9 janvier 1873.)