Lise Perreault
ENVIRONNEMENT – Nous situer en pleine transition énergétique visant des initiatives vertes et valoriser les hydrocarbures. Brandir l’acceptabilité sociale et refuser d’accorder aux 307 municipalités qui le réclament le droit d’imposer des règles plus strictes sur la protection des sources d’eau dans le cadre des forages.
À première vue, c’est super : le nouveau ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Moreau, a promis que « Le gouvernement du Québec n’autorisera jamais l’exploration ou l’exploitation d’hydrocarbures dans les cours d’eau, dans les parcs nationaux, à proximité des garderies, des cours d’école, dans les espaces résidentiels ou au cœur des zones urbaines ».
Sauf que les projets de règlement rédigés par son ministère, projets soumis à des consultations jusqu’au 8 décembre, permettraient précisément les forages dans les lacs et rivières, les forages à 175 mètres des secteurs résidentiels, ou encore à 275 mètres des écoles, des garderies et des hôpitaux. Sans compter la possibilité de forer à 60 mètres des parcs nationaux.
Quant à l’acceptabilité sociale concernant l’exploration et l’exploitation par fracturation hydraulique, elle serait, toujours selon le ministre Moreau, le « premier critère » prit en considération par le gouvernement. Cependant, nul engagement du ministre pour retirer de la réglementation provinciale la possibilité de mener des forages avec fracturation hydraulique.
Primordiale, vraiment, l’acceptabilité sociale? En 2014, Philippe Couillard déclarait abandonner (sic!) la filière gaz de schiste, par égard pour une majorité de Québécois qui n’en voulaient pas, en 2017, on nous convie à donner notre consentement : rendez-vous qu’elle décline, l’acceptabilité sociale.
Pas surprenant, les permis couvrent maintenant 53 225 km² de territoire, essentiellement dans la Vallée du Saint-Laurent, dans le Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, incluant bien sûr notre chère Montérégie, soit les meilleures terres agricoles du Québec, et d’innombrables cours d’eau.
Permis qui semblent intouchables. Pourtant, selon le ministre Moreau, il faut diminuer notre consommation de produits pétroliers, réduire « nos émissions de gaz à effet de serre ». Cela, tout en privilégiant l’implantation de l’industrie gazière/pétrolière au Québec? Je cherche la logique…
Est-ce une tentative boiteuse pour stimuler la fuyante acceptabilité sociale? Quoi qu’il en soit, on propose que Québec revoie les « orientations gouvernementales en matière d’aménagement du territoire » dans le contexte des projets d’hydrocarbures. Le ministre précise que l’objectif est d’accorder aux municipalités et aux MRC, « des pouvoirs qu’elles n’ont pas à l’heure actuelle en matière d’aménagement du territoire ».
Ces pouvoirs, pas encore définis, devraient permettre aux municipalités de « soustraire des parties de leur territoire à l’exploration pétrolière et gazière, ce qu’elles ne peuvent pas faire à l’heure actuelle ».
De quelle façon compte-t-on morceler notre territoire? En fera-t-on une espèce de patchwork fracturé dans le roc, zigzaguant au gré d’une industrie invasive et de règlements absurdes? Ici, on intoxique et pas là. Ici on prend des risques… oh, une garderie : là on se garde une petite gêne. Comme si les éléments toxiques qu’implique la fracturation allaient rester en vase clos, ne pas dépasser telle frontière administrative, ne suivre ni les courants de l’eau ni ceux de l’air.
« Le message à envoyer, il est clair, s’aventure à dire le ministre Moreau. Nous sommes dans une période de transition énergétique. Il est clair qu’à terme, les carburants fossiles sont appelés à être remplacés totalement par des énergies vertes. » Mais alors, pourquoi faire place aux méga-infrastructures de ces énergies hyper polluantes ?
C’est d’une réelle transition énergétique dont on a besoin, c’est-à-dire stopper net l’avancée des dégâts et s’engager dans les énergies propres! Je crois qu’à ce rendez-vous, elle se présenterait tête haute, l’acceptabilité sociale.
Illustration : Gracieuseté Pierre Brignaud
Idéatrice: France Mercille