Ma cabane au Canada est blottie au fond des bois…

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Ce “tube” à succès de Line Renaud, qui a fait rêver les Parisiens, avait des airs environnementaux avant le terme. On croit sentir la fragrance des sapins, le silence des nuits étoilées, le chant du vent d’automne, l’ululement du hibou au matin. Voire même, le sentier de neige et l’aurore boréale.

Mais la réalité de la cabane est moins romantique. Lisons ce qu’un défricheur pouvait se permettre comme cahute: “Si vous ne pouvez pas acheter la planche nécessaire, mettez des branches de sapin comme plancher, ou bien encore des écorces pour couverture. Mais je vous préviens que les arbres sont durs à écorcer, excepté en juillet et août”. “Vous pouvez encore couvrir votre chantier avec des auges en cèdre … Vous étendrez du papier goudronné  sur la couverture quand il ne vente pas. Placez des tringles pour le soutenir… mises de haut en bas et non de gauche à droite pour laisser couler l’eau de pluie et la neige fondue. Pour la même raison, faites votre couverture pas mal à pic” (p. 9, 10). Rudimentaire, mon cher Watson !!!

Et on continue: “Vous boucherez les plus gros joints avec des éclats de cèdre, de bois blanc, de sapin… S’il y a de la terre glaise dans les environs, faites-vous du mortier… Si votre voisin a des vaches, demandez-lui deux ou trois brouettées de bouse, qui vous serviront pour bousiller tous les trous, surtout les petits” … “C’est par les petits trous qu’entre la mort“, précise l’auteur. Mais, c’est par là aussi qu’entre la vie, non ?

Contre les maringouins, les moustiques, les brûlots et les frappe-à-bord, les trousses sont rares: “Graissez-vous les mains, le visage et le cou  avec une graisse quelconque, suif, couenne de lard, huile, etc… Faites de la boucane dans la cabane, en employant du bois franc pourri ou des champignons de merisier ou d’érable”… “Quant aux rats, aux souris, aux mulots, il seront surtout confiés au chat“. (p.60, 61). Vous avez constaté que la rêverie fredonnée par Line Renaud n’est que chimère. C’est de l’exotisme fantôme.

Vous ferez bien de vous monter une petite boucanière, avec un foyer en pierraille, entouré d’une grande écorce d’épinette. Vous pourrez boucaner toute sorte de gibier ou de poisson. Pour ça, faites un feu de bois sec recouvert de bois pourri et de morceaux d’écorce de bouleau, de merisier rouge, de tiges de framboisiers, d’écorce de cerisier, mais surtout de branches de saule vert… Cela donnera du goût.” (p. 48)

Malgré tout ça, le “hit” de Line Renaud poursuit: “À quoi bon chercher ailleurs, tu sais bien que le bonheur, il est là, dans ma cabane au Canada“. Eh bien ! Tant mieux! (Line Renaud. Chant enregistré en 1947).

Référence: Le livre du colon. Comment s’installer sur une terre pour presque rien.  La Terre de Chez-nous. 70 pages. Archives de la SHSC, no 382.10