L’impressionnant parcours de Samuel-Thomas Willett, manufacturier de Chambly

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – S’il existe un personnage qui a fortement modifié le paysage de Chambly, c’est bien Samuel Thomas Willett (1824-1913). Manufacturier, entrepreneur, échevin, puis maire, candidat “rouge” contre Louis Lacoste en décembre 1851, et candidat libéral à l’élection fédérale du 17 septembre 1878.

Né à L’Acadie, au Québec le 1er novembre 1824, il est le fils d’un immigré américain, Mahlon Willett (1797-1865) et de Margaret Cooper (1804-1870), sa mère. Ces derniers avaient inauguré à Chambly un moulin à carder et à fouler la laine. “Le seigneur Samuel Hatt baille à Mahlon Willett dans ses moulins du Canton de Chambly des locaux <for a set of carding machines, spinning jenny and lock… for the purpose of working the said carding machines… also for a fulling mill, and a room for finishing the cloth…”. (Notaire Joseph Porlier, 28 octobre 1830).

Samuel Thomas Willett héritera de l’entreprise. Il augmenta la capacité de production et l’orienta en 1848 vers la production de tweeds. En effet la forte demande de produits de flanelle dans le pays se poursuivit jusqu’en 1889. À cette date la surproduction de flanellettes et de draps, l’obligea à transformer la machinerie pour la confection de “ladies’ fancy dress goods, cloakings and coat linings“. Entretemps, il avait construit une filature de coton, la Chambly Cotton Company, en 1881. Elle sera achetée par la Dominion Cotton Company en 1890, mais fermera en 1896.

En 1855, Willett exposait à l’Exposition universelle de Paris « du drap gris » (JALPC, boite 22, 1855-56, appendice 46). Il participe à la première exposition universelle à Londres, en y présentant un « specimen of grey cloth ». (Universal Exhibition, 1878, Report for the Canadian Commission).  On retrouve également les flanelles Willett à l’exposition de Paris en 1867. À Paris encore, à l’exposition universelle de 1878, les flanelles de fantaisie de Chambly se méritent un diplôme et une médaille de bronze (Universal Exhibition, 1878, Report for the Canadian Commission). La filature de lainage de la famille Willett obtiendra une médaille de bronze, lors de l’exposition du Centenaire tenue à Philadelphie en 1876, pour honorer des collections variées de flanelle. (BAnQ, Rapport général des commissaires de l’Agriculture et des Travaux publics de la province de Québec, Vol, 1877-1878, page 204).

M. Willett avait aussi acquis de John Yule, “une boulangerie, un moulin à farine avec ses moulanges, une autre bâtisse occupée par John Finlay, qui servait à finir et polir les poêles, aussi un moulin à scie avec les scies, encore une autre bâtisse sur la <dam> occupée par la boutique de forge et comme boutique de formes, toutes les <dams> qui sont construites vis-à-vis le dit lot de terre, ainsi que tous les pouvoirs d’eau, une bâtisse occupée depuis longtemps comme fonderie et la maison connue comme <la maison du meunier>,… le droit de pouvoir d’eau que la brasserie possède…” (Pierre-Paul-Solyme Bertrand, no 1389, 28 novembre 1868). Il achète à la même date “le manoir seigneurial“construit en 1796 et occupé par les seigneurs Christie et Hatt. Les Willett en auraient été propriétaires jusqu’en 1928. (La Presse, 18 mai 1953).

L’espace nous manque pour élaborer sur deux très importantes initiatives de Samuel Thomas Willett. La construction de la voie ferrée reliant Chambly à Granby. Les trains arrivent à Chambly en 1874, par l’initiative de la compagnie Montreal Chambly and Sorel Railway, dont il avait été le président, sans oublier les trains électriques de la Montreal & Southern Counties Railway Company, en 1913, initiative avant-gardiste qu’il présida. Ce service reliera Chambly à Montréal jusqu’en 1956. Enfin, l’électrification du village de Chambly Canton à partir de 1901, par son fils Brock Willett.

Samuel Thomas Willett, avait épousé Lucy Pamela Andres (c1830-1905) en 1849. Libéral au plan politique, méthodiste de religion, il sera inhumé au Mount Royal Cemetery à Montréal le 10 mai 1913, “âgé de 88 ans“. Une humble épitaphe et des plaques au sol révèlent la modestie de cette exceptionnelle famille de bâtisseurs (Voir Le Montérégien, édition du 30 novembre 2018). Il laissait deux fils, Brock Willett (c1850-1936), Albert-Thomas Willett (1860-1911) et une fille Ines-Sophia Willett (c1858-1882).

Illustration: Samuel Thomas Willett, biographie et photo publiées dans Canadian Album, Men of Canada, 1896, page 311. Communication, gracieuseté de M. Jacques Beauregard. C’est la seule photographie que la SHSC possède de ce personnage.