Les Patriotes de la rue Martel à Chambly entre 1830 et 1840

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Cette épopée démocratique de notre histoire est vécue différemment dans les deux villages de Chambly: Chambly-Canton, aussi nommé le “village anglais” et Chambly-Bassin dit “village français”, n’épousent pas les mêmes valeurs. Loin de là.

À Chambly-Canton entre 1837 et 1843, les troupes britanniques de Wetherall et les Royal Dragoon Guards de George Cathcart occupent les casernes et le fort, alors que les ouvriers Irlandais, embauchés au canal, viennent de quitter le faubourg, les travaux d’excavation ayant cessé. L’église est anglicane. Le seigneur, Samuel Hatt, est natif de Londres et ses moulins à farine sont confiés à des meuniers anglophones. Le moulin à carder la laine appartient à Mahlon Willett. Les résidents de la rue Lafontaine sont tous anglophones… L’hôtel, à l’angle de l’avenue Bourgogne et de la rue du Canal, (aujourd’hui rue St-Georges) est géré par la veuve Morissey, etc. Ce milieu demeure nettement opposé aux idéaux patriotes.

À Chambly-Bassin se trouvent les bourgeois, les notables, les médecins, les notaires, le collège et l’église catholiques et francophones. C’est dans ce terreau “canadien” que va fleurir le mouvement patriote d’émancipation. Nous énumérons ici les propriétaires depuis les adresses du 22 rue Martel, jusqu’à l’intersection de la rue du Faubourg (aujourd’hui rue St-Pierre), où chaque porte s’ouvrait sur un partisan patriote:

Au 22, rue Martel, le notaire René Boileau (1779-1842), célibataire, orateur, tribun dans les nombreuses assemblées politiques du comté de Chambly.

Son voisin au nord, Joseph Bresse (1769-1836), marchand aisé, retraité, député, lieutenant colonel de milice démis de ses fonctions par le gouverneur Dalhousie en 1832.

Au collège derrière l’église, se forme une bande de jeunes qu’on trouvera dans la mêlée patriote en 1837-38: Hector Kimber, Eusèbe Larocque, Guillaume Beaudriau, Louis Mignault, Pierre Mignault, et les instituteurs laïcs Louis Giard, Jean-Philipe Boucher-Belleville, Pierre Garnot.

Du côté sud de l’église, le capitaine de milice Jean-Baptiste Lareau (1769-1831) voisine le notaire Basile Larocque (1798-1845), tous deux partisans démocrates.

Passé l’église St-Joseph, les frères Joseph Demers (1792-1833), notaire, Amable Demers (1798-1871) et Guillaume Demers (1794-1859), brasseurs, font “des misères au curé” et participent aux assemblées politiques.

Plus, ils élèvent dans leur foyer un jeune neveu et futur médecin patriote très engagé Jacques-Guillaume Beaudriau (1818-1863). On trouvera aussi le notaire Charles-Gédéon Scheffer (1814-1909), membre des “Frères Chasseurs”, marié à la fille du notaire Demers.

Plus loin, autour des adresses, 450 et 500 rue Martel, on rencontrera le docteur Timothée Kimber (1797-1852), médecin, patriote radical emprisonné et mis à caution pour une somme de £5000. Une somme énorme !

Bref, dans ce lot de patriotes engagés, on trouve sur la rue Martel les plus âgés patriotes, Boileau (58) et Kimber (40) et les plus jeunes Beaudriau (20) et Scheffer (23).


Maisons Demers.

Illustrations: Archives de la Société d’histoire, Collection Émile-Caron. Les propriétés des frères Demers, sur la rue Martel.