Les palais de glace à Montréal: Fantastiques architectures aux temps des froids hivers

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – C’est lors du carnaval d’hiver que l’on érigeait ces monumentales forteresses. Pendant cinq années, entre 1883 et 1887, on éleva ces splendides châteaux d’eau glacée.

En 1885, le palais le plus imposant a nécessité 12 000 blocs de glace, provenant de la banquise du Saint-Laurent. On les répartit sur 160 pieds de longueur, 120 pieds de largeur. Cette masse supportait une tour centrale de 100 pieds de hauteur. Précisons cependant que les toitures et les flèches étaient soutenues par des poutres de bois, aussi revêtues de glace. C’est au square Dominion, jouxtant la basilique Marie-Reine du Monde, que les badauds venaient admirer cette masse givrée.

En février 1887, on organisa une “attaque du fort“, comme aux beaux temps de la chevalerie. Les clubs de raquetteurs, qui se faisaient nombreux à l’époque, simulaient l’assaut de la citadelle. Certains groupes qui encerclaient ou faisaient le tour de l’enceinte, chantaient, criaient, menaçaient, buvaient un peu… beaucoup (!), en lançant des fusées. Espéraient-ils, comme Josué à Jéricho, que les murs tomberaient d’eux-mêmes au septième tour ?

Le Monde Illustré décrit la scène: “L’attaque du palais de glace: Il est huit heures du soir. Le roi du Pôle, enfermé dans son palais de glace, sait que l’ennemi s’approche. Et son armée, vaincue déjà dans vingt combats, va brûler ses dernières cartouches. Un seul canon lui reste.

La cime du mont Royal se couvre de combattants dont les silhouettes se profilent sur le fond clair du ciel. Des détonations ébranlent l’air. C’est l‘artillerie des raquetteurs, qui placée en batterie, vomit le feu, la fumée et … le bruit.

Deux mille hommes, vêtus de couvertes multicolores, s’avancent en file indienne, portant des torches et des armes, pétards, chandelles romaines et des fusées. Le canon du fort répond aux hurlement des colosses de bronze. Le duel d’artillerie est inégal. Les raquetteurs envahissent le square Dominion. Tout est en feu. Les cris redoublent. On se fusille à bout portant. Le ciel s’illumine. Tout pétille, flamboie et craque… Victoire !!! Le fort est pris. Le Feu a vaincu le Froid“. (Le Monde Illustré, 12 février 1887, p. 3)

Pourrait-on en 2021, entre les “doux temps”, reconstruire ces palaces de froidure ?

Illustrations: Le Monde illustré, 7 février 1885, p. 4 et 12 février 1887, page 3.