Les “fake news” au temps des Patriotes

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Nos ancêtres patriotes ont vécu au milieu de réseaux de renseignements qui utilisaient la désinformation. Des fausses nouvelles circulaient au grand jour, transmises par les journaux de l’époque. Nous en soulignerons quelques-unes ayant trait à Chambly:

“On a trouvé un Canadien mort dans le bois où a eu lieu (sur le chemin de Chambly) l’escarmouche de vendredi dernier (17 novembre 1837)”. (Le Canadien, 24 novembre 1837). En fait il s’agit d’un cheval qui a été blessé à mort lors de la libération armée des prisonniers Davignon et Demaray et laissé en pâture aux renards.

“La nouvelle que le soulèvement était général dans les paroisses qui avoisinent la rivière Chambly se confirme. Il est arrivé ici des personnes de ces endroits qui ont eu toute la peine du monde à s’échapper. Pour le faire, il leur a fallu faire de longs détours. Il y a des sentinelles sur toutes les grandes routes et l’on ne passe qu’à bonne enseigne”. (La Canadien, 24 novembre 1837). Faux ! N’importe qui pouvait de jour et de nuit fuir sur un chemin de campagne ou par le Richelieu. À preuve, le patriote Jean Casgrain est allé se réfugier à Rivière-Ouelle chez ses parents. Il n’y a pas de “mur de Berlin” !

“Le village de Rouville (aujourd’hui Mont-St-Hilaire) a été brûlé par les rebelles eux-mêmes pour venger de l’abri que les troupes de Wetherall y avaient reçu. Les rebelles dans leur retraite, divisés en deux parties, l’un ayant pris la route de Saint-Hilaire, et l’autre pour aller à Saint-Denis et Saint-Ours. Saint-Hilaire fut trouvée presque détruite. Ce qui en restait était brûlé”. (Le Canadien, 29 décembre 1837).

“Des agitateurs fugitifs. C’est une longue liste que celle des instruments de Papineau qui se sont fait justice en quittant le pays. Voici les noms de ceux qui sont en fuite à notre connaissance: De Chambly: René Boileau. notaire, Basile Larocque, notaire, Eusèbe Fréchette, marchand, Louis Gareau, le Dr Kimber, Noël Lareau, Honoré Demers”. (Le Populaire, 24 novembre 1837. Le Canadien 27 novembre 1837). Fréchette, Demers, Gareau et Noël Lareau vont écrire au journal pour démentir ces “fake news”, affirmant qu’ils sont chez eux bien tranquilles.

Une lettre anonyme, sans date, adressée à S. Walcott depuis Chambly est diffusée par un journal : “Au moment où l’on met cette adresse à la poste, Papineau fait son entrée dans Chambly avec une grande quantité d’hommes à main armée… “ (Le Populaire, 21 octobre 1837). Nous ignorons si Papineau est passé à Chambly. Mais, on sait qu’il n’approuvait pas la force armée.

Les Patriotes aussi avaient été manipulés et trompés par de fausses informations: “Ils nous ont dit qu’on attendait une grande armée canadienne… que des armes viendraient des États-Unis…”

Ces fausses nouvelles, non vérifiées, alimentaient les passions. Même la gravure d’Henri Julien représente aujourd’hui un faux patriote. La moyenne d’âge des Patriotes de Chambly était de 37 ans.

Illustrations: Gravure “Le Vieux Patriote” par Henri Julien, dessin daté de 1904.