Les dernières troupes militaires dans les casernes de Chambly. Les Royal Canadian Rifles, de 1861 à mars 1869

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Les casernes de Chambly étaient inoccupées dès 1853. Les terrains de l’Ordnance britannique avaient été transférés du gouvernement impérial au gouvernement du Canada-Uni en juin 1856. La présence des militaires à Chambly semblait terminée pour de bon. Les Volontaires de la Milice canadienne devaient prendre la relève.

Or, il se trouve que la guerre de Sécession aux États-Unis, de 1861 à 1865, et les menaces d’invasion des Féniens irlandais, entre 1866 et 1871, ramènent les soldats britanniques à Chambly : “À propos des nouveaux envois de troupes au Canada, le gouvernement provincial a reçu, dit-on, du gouvernement impérial  l’ordre de lui remettre immédiatement les casernes de La Prairie, de Chambly, de Saint-Jean et de l’ile aux Noix… Avant six mois, le Canada sera sur un véritable bon pied de défense, au cas où nos voisins en guerre auraient des intentions hostiles“. (L’Ordre, 5 août 1861). En 1861, une centaine de soldats, les Royal Canadian Rifles, réintègrent les lieux du camp militaire de Chambly, auparavant fermé et désaffectéEn 1862, il existait encore encore des vieilles casernes de la cavalerie (Guitard).

De 1861 à 1869, parmi les régiments signalés à Chambly, selon les registres paroissiaux, on trouve des soldats du 25e et du 30e régiment (1866) et quelques Grenadiers Guards (1863), mais surtout les Royal Canadian Rifles. “Ce corps de vieux soldats est formé en grande partie d’hommes mariés. Suivant un arrêt de 1861, <les épouses méritantes des soldats de ce régiment qui se sont mariées avec permission, ainsi que leurs familles, ont le droit de recevoir des rations gratuites>. On aménage des logements familiaux dans les casernes“. (Stanley, p. 284). Les couples sont nombreux et des enfants jouent dans les casernes.

Dans leurs rangs on trouve un chirurgien, Robert Hyatt Meadows (Josephine Thornton), et un “Staff Assistant Surgeon, of Ayrshire, Scotland“, William Taylor, qui épousera à Chambly la fille du pasteur anglican, Ann Campbell Thorndike, le 24 novembre 1868. Nous n’avons trouvé aucun soldat francophone.

Ainsi le couple formé du soldat Peter Fox et July Connor fera baptiser quatre enfants entre 1865 et 1869 à Saint-Joseph-de-Chambly. Les soldats Peter ConlonJames ConnellyMichel Connors et leurs femmes, deux baptisés chacun. Nous avons dénombré au- delà de quatre-vingt (80) inscriptions de baptêmes pour des enfants nés des Fusiliers royaux, dans les registres catholiques de la paroisse Saint-Joseph seulement. Trente-trois (33) sépultures sont aussi inscrites dans les mêmes registres entre 1861 et 1869. Saint.Stephen compte plus ou moins quarante-huit (48) entrées aux livres anglicans. Ainsi “William Glenon, private of the first regiment is died on the march between Montreal and Chambly”, le 11 juillet 1868. Il a été inhumé à St-Stephen, “by coroner warrant“. Et cet autre “George Gale, private of Rifle Brigade, buried in the church yard by coroner warrant, having met his death by drowning“, le 5 août 1867.Le soldat John Hume was buried, accidentally shot“, le 23 décembre 1861. Sont décédés par noyade, Luke Blackett (1865) et William Hale (1868).

D’autres détachements de soldats venaient parfois à Chambly pour des exercices. Ainsi le 16e régiment est en garnison en partie à Chambly, en hiver 1863 (Le Franco-Canadien, 6 février 1863, p. 2). Une partie des troupes actuellement en garnison à Montréal doivent bientôt se rendre à Chambly pour y pratiquer la vie de camp et l’exercice de tir. La Compagnie des Ingénieurs royaux partira la première et sera suivie tous les quinze jours d’une compagnie des autres régiments. (Le Franco Canadien, 1 mai 1863). Un détachement de 130 hommes appartenant au bataillon volontaire « Victoria » de cette ville (Montréal) doit partir ce matin pour Chambly. Ils emportent avec eux des raquettes, des couvertes et des provisions. Ils reviendront en ville lundi matin. (La Minerve, 20 février 1864, page 2).
Les Royal Canadian Rifles quitteront Chambly en mars 1869, après un séjour de huit ans. Ils mettent le point final à la présence militaire dans les casernes. Quelques lots formant la banlieue du fort seront mis en vente publique le 24 novembre 1870. D’autres terrains, les bâtiments militaires, la boulangerie et la résidence du commissaire (sauf le fort) seront vendus le 14 juillet 1876. On n’entendra plus le clairon ni le tambour battre la diane, sauf ceux, parfois, des Volontaires de la Milice.

Références:

Michelle Guitard, Le camp militaire de Chambly, 1812-1869, 1990, 221 pages. Parcs Canada, SMG 134. Jean-Yves Gravel L’armée au Québec, un portrait social, 1868-1900, Boréal Express, 1974, 154 pages. Roch Legault, Une élite en déroute, les militaires canadiens après la Conquête, Athéna Éditions, 2002, 202 pages. George F. G. Stanley, Nos soldats, Éditions de l’homme, 1974, 620 pages. Paul-Henri Hudon, La présence anglophone à Chambly,1780-1880. Étude inédite de 290 pages primée au concours de la Fondation Percy-W. Foy en 2008.

Illustrations: Le costume des Royal Canadian Rifles. L’étendard du même régiment.