Le visage de la bière a bien changé

Pierre-Yves Faucher

CULTURE – Le rendez-vous Bières et Saveurs de Chambly a été pour moi l’occasion de réfléchir sur ma relation affectueuse avec la bière depuis plusieurs décennies. Me retrouver sur un site où plus de 1000 produits houblonneux, de cidreries ou d’alcool artisanaux étaient offerts, m’a donné le tournis !

Dans ma jeunesse, c’était plus simple. Dans les années 60 et 70, les bières de « mononcles » provenaient principalement de trois brasseries : Molson, O’Keefe et Labatt. Ces entreprises ne ménageaient pas leurs efforts de marketing pour accaparer les amateurs de houblon au ventre rond. Entre autres, en s’associant à des équipes sportives professionnelles avec une mise en marché qui soufflait sur les braises des rivalités malsaines entre les équipes et les partisans. On haïssait les équipes rivales et leur bière qu’on boycottait.

Les bières européennes n’étaient pas aussi populaires, mais le marché allait les accueillir peu à peu. L’endroit le plus couru à Montréal était le Vieux Munich sur la rue Saint-Denis, pour y déguster principalement des bières allemandes de 1967 à 1995. Le cidre n’avait pas atteint un niveau de qualité pour trouver preneur sur une grande échelle. Le vin a gagné en popularité, lentement mais sûrement. Il a fallu se taper beaucoup de bouteilles de Baby Duck avant de comprendre que la modération avait  bien meilleur goût avec ce produit.

Dans les années 90, les brasseries commerciales ont, je crois, fait une erreur fatale en uniformisant le goût de chacun de leurs produits en séduisant les buveurs par une mise en marché basée sur la jeunesse et le plaisir d’être ensemble avec des publicités où tout le monde semblait se connaître. C’est là que je me suis détourné de ces bières fades, uniformes, sans personnalité. Il fallait élargir ses horizons et c’est grâce aux microbrasseries que la bière est demeurée dans mes habitudes de consommation.

Le chroniqueur culturel Pierre-Yves Faucher sur le site du 20e Bières et Saveurs de Chambly le 1er septembre dernier.

De mémoire, la première génération de microbrasseries au Québec a fait son apparition à la fin des années 1980, avec entre autres Le Cheval Blanc (la Blanche, Belle Gueule), les Brasseurs du Nord, McAuslan et Unibroue.

Ces entreprises ont rivalisé d’ingéniosité pour rechercher différentes saveurs et séduire une nouvelle génération de buveurs de houblon. En ajoutant des 0,5 %, elles se sont aussi mises au goût du jour (poids santé, réglementation sur l’alcool au volant plus stricte). Et elles n’ont rien à voir avec les Coors light de ce monde et autres américaines fades conçues pour une consommation de caisses de 24.

Avec cette 20e édition de Bières et Saveurs, nous nous rendons compte que cette industrie est en bonne santé et que nos papilles gustatives ne peuvent que s’en réjouir !