Le deuxième surintendant au canal de Chambly, le mal aimé, Pierre-Télesphore Chartier.

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Pierre-Télesphore Chartier (1823-1867), qualifié d’architecte, 31 ans, président de l’Institut canadien de Chambly, sera surintendant au canal de Chambly d’avril 1854 à octobre 1863 (The Canada Directory, 1857-1858). Il est aussi président de la toute nouvelle Société Saint-Jean-Baptiste de Chambly. (La Minerve, 1er juillet 1856; 9 juillet 1857). Nous savons que l’Institut canadien est régi par les “Rouges”, faction politique ultra. Le député de Chambly, Noël Darche, résident de Chambly, est un de ces “Rouges”, combattus par les “Réformistes”. Le premier surintendant, Michel Borne, avait été promu par les Réformistes Lafontaine et Baldwin.

Télesphore Chartier a été baptisé à Notre-Dame-de-Québec le 28 octobre 1823, fils de François Chartier, charpentier, et de Cécile Goulet (ou Lionnais (sic), originaire de Québec. Lorsqu’il épouse Judith Guilletfille de François-Xavier et d’Archange Baribeau, à Batiscan, le 29 novembre 1844, (Registre de Batiscan), le curé inscrit Pierre-Télesphore Chartier comme charpentier Il serait le cinquième enfant de cette famille. Le recensement de Chambly en 1861, no 48, nous fournit les informations suivantes: Pierre-Télesphore Chartier a 38 ans, il est surintendant du canal. Judith Guillet, 35 ans, et ses quatre enfants, Élise Chartier, 15 ans, Edzine Chartier, 12 ans, Télesphore Chartier, 11 ans, et Arthur Chartier, 7 ans.

Le surintendant de Chambly fut aux prises avec des cliques calomnieuses et jalouses durant une dizaine d’années. (Sévigny, La main d’œuvre… pages 37 et 38). À Chambly en 1859, la tête du surintendant Chartier, le successeur de Michel Borne, est mise à prix. On l’accuse de fraude administrative, d’incompétence et même d’immoralité. Des lettres d’accusation affluent au bureau de John G. Sippell, l’ingénieur-surintendant à Montréal. Certaines sont anonymes, d’autres sont signées par des personnes inexistantes, tels ces messieurs George Willett et A. Turner, supposément de Chambly (…).

Ainsi en 1862, Pierre-Télesphore Chartier, surintendant du canal, et les habitants suivants, Joseph Scheffer, charretier, Jean-Baptiste DaragonPierre-Antoine MoreauNoël BreuxFrançois-Xavier Berger, Norbert Berger, tous gardiens d’écluse et de ponts du canal, se sont transportés à la salle publique du Bassin au lieu où se tient la cour des Magistrats et des Commissaires de la paroisse de Chambly. Ils veulent répondre à l’accusation portée contre les comparants par Antoine Forti de Saint-Mathias, devant Noël Darche, écuyer, maire de la paroisse de Saint-Joseph. Ils étaient accompagnés de John Hackett et de Henry William Austin, deux des juges de paix de Sa Majesté pour le district de Montréal. Mais la session n’a pas pu avoir lieu, faute du retour du warrant et vu l’absence du plaignant. (Paul Bertrand, 6 juin 1862). Nous ignorons le contenu de ces allégations.

En 1863, le surintendant Chartier s’associera à Louis-Dosithée Soupras, bourgeois, et à John C. Booth, hôtelier, pour spéculer sur l’argent, les billets, les obligations et pour d’autres transactions. (Paul Solyme Bertrand, 23 janvier 1863). Auparavant il s’était associé au marchand et boucher Charles Brien dit Durocher pour tenir un commerce d’épicerie et de marchandises sèches. Mais l’entreprise commune sera dissoute six mois plus tard, en décembre 1857. (Charles-Gédéon Scheffer, 7 juillet 1857).

Son superviseur l’a soutenu tout ce temps. Pourtant, lorsque Chartier fut trouvé coupable d’ivresse au travail, Sippell l’abandonna et le remplaça par Christophe Préfontaine. (Sévigny, La main d’œuvre… pages 37 et 38). Le charpentier Chartier sera effectivement destitué en 1863. Remplacé par le cultivateur Préfontaine, il retourne à Québec.  La presse du 20 courant (octobre 1863) nous apprend que M. Chartier, surintendant du canal de Chambly, a effectivement été renvoyé du service et remplacé par M. Préfontaine. (Le Franco-Canadien, 23 octobre 1863).

Un chercheur et généalogiste de la famille Chartier m’a envoyé par courriel ce précieux renseignement: Télesphore Chartier, époux de Judith Guillet, est décédé accidentellement le 10 octobre 1867, à l’âge de 46 ans. Ses funérailles ont eu lieu à la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Québec et l’inhumation au cimetière Notre-Dame-de-Belmont, au 701 avenue Nérée-Tremblay à Québec. Témoins, Mathias Bolduc et Édouard Coté (Normand Chartier, courriel, 5 août 2011). Vérification faite, le journal Le Canadien écrit: “Hier un des menuisiers travaillant à l’église St-Sauveur, nommé Télesphore Chartier, est tombé d’une hauteur de 50 à 60 pieds. Il n’a survécu que quelques heures aux graves blessures qu’il a reçues en tombant. Il était âgé d’environ 46 ans. Il laisse une femme et quatre enfants. (Le Canadien, 10 octobre 1867, p. 2).  

 Références: P. André Sévigny, La main d’oeuvre des canaux du Richelieu, Parcs Canada, 1983, pages 37 et 38. Notaire Charles-Gédéon Scheffer, 19 février, 17 mars, 7 juillet, 15 août 28 septembre 1857; 12 février 1859, 15 juillet 1861, 5 avril 1862. Notaire Paul Bertrand, 6 juin 1862. Registre de la paroisse St-Joseph, 23 décembre 1857.

 

Illustration. Archives de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly. Bureau du surintendant, août 1894. PA 85614.