La présence de Noirs et d’Amérindiens à Chambly aux siècles précédents

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Février étant le mois consacré à l’histoire des Noirs, il nous paraît intéressant de faire connaître ces hommes, femmes et enfants qui ont connu une vie obscure, sans éclats, ni triomphe dans nos localités.

Gens de service, la plupart domestiques, serviteurs, gardiens, valets, hommes de ferme ou femmes de chambre, on les qualifie “d’esclaves appartenant à…” Sans histoire et sans statut, on ignore l’état matrimonial de ces gens de l’ombre, venus on ne sait d’où.

Sont-ils célibataires à perpétuité ? Connus souvent sous leur seul prénom, on constate que leur décès survient quelque fois, chez un “voisin”: M. Montour, Nicolas Gélinot, François Goyette. Pourquoi ?

Sous le Régime français, Charles d’Auteuil de Monceau fait inhumer à Chambly le 29 juillet 1743, un *nègre lui appartenant, sans indication de prénom, ni âge. Trois ans plus tard, a été aussi inhumé à Pointe-Olivier, Joseph-Noël, un nègre âgé de sept ans, appartenant à M. d’Auteuil, le 22 novembre 1746. Charles d’Auteuil, bourgeois, trafiquant de fourrures, habitait sur l’actuelle ile aux Lièvres.

Les propriétaires d’esclaves, des gens d’affaires, que nous avons pu identifier à Chambly sont William Ashby, négociant, James Gleeney, entrepreneur du moulin à farine, James Bell, négociant, le seigneur Jean-Baptiste Boucher de Niverville.

Le seigneur Melchior Hertel de Rouville a une domestique identifiée sous le prénom de Rose S’agit-il d’une esclave ? Ce sont indistinctement des anglophones et des francophones, catholiques ou protestants. 

 Les documents confondent parfois l’ethnie véritable de la personne. Ainsi le sieur François Énouille dit Lacroix et son épouse Michelle Grisé, font baptiser Marie-Annenègre (sic) âgée de 17 ans, à Saint-Mathias le 1er juillet 1763. Mais cette “esclave nègre” est devenue une “sioux de nation“, lors de sa sépulture le 9 juillet 1763.

Par nous, prêtre, a été inhumé dans le cimetière le corps d’une négresse, Charlotte, âgée de 27 ans, s’étant malheureusement noyée dans le rapide. Est présent à la sépulture, le 30 juillet 1776, Jean-Baptiste Boucher de Niverville, seigneur de Chambly, maître de cette négresse.

Le 12 août 1779, était baptisé Louis, nègre, esclave de M. Ashby, né de parents inconnus, le 8 du présent mois. Le 24 février 1781, a été inhumé un enfant nègre, esclave de M. Gleeney, ondoyé et décédé chez M. Montour le 22, âgé de 18 mois.

Le 4 novembre 1781, un autre petit nègre, esclave de M. Bell, ondoyé, est décédé chez Nicolas Gélinot, âgé d’environ six moisLouis, nègre âgé de 4 ans, appartenant à M. Guillaume Ashby, est inhumé le 28 février 1784 à Chambly.

Le 26 décembre 1816, est inhumé à Saint-Mathias, le corps d’un nègre, âgé de 60 ans, décédé d’avant-hier, après avoir été baptisé. Aucun autre nom ou indication d’origine n’est mentionné.

Henry Mc Avoynègre de 17 ans, de la rivière des Hurons (Saint-Mathias), s’engage pour Philip Byrne et John JohnsonHenry McAvoyvoulant se prévaloir de l’acte du parlement qui accorde la liberté et affranchit tout esclave dans toute province dépendant de la Grande-Bretagne et n’ayant ni parent ni tuteur chargé de sa conduite, s’est par les présentes engagé sans aucune induction, ni personne, pour l’espace de temps de sept années aux sieurs William et Philip Byrne, en qualité de domestique, croyant le faire pour son plus grand avantage… (François-Médard Pétrimoulx, 10 janvier 1802).

À Saint-Mathias, Anne, négresse, âgée de 70 ans environ, est inhumée dans le cimetièrenégresse appartenant au général Breton (Burton ?), décédée hier chez François Goyette, sans avoir eu le temps de recevoir les sacrements. (Registre de Saint-Mathias, 23 avril 1803).

Samuel Alix, bourgeois de Saint-Jean, proche de Chambly, vend à M. Payet, curé de Saint-Antoine, au nord de Chambly, le nommé Pomp, nègre, son esclaveIl l’a eu à son service depuis neuf mois, pour 23 livres cours d’Halifax (652 livres cours ancien).

John Dytonniggerâgé de 25 ans, originaire des États-Unis, travaille comme watchman pour le manufacturier de Chambly, Brock Willett en 1901. (Recensement de Chambly en 1901).

Il y a eu aussi un bon nombre d’esclaves amérindiens, panis (pawnees), sioux: Le soldat Raymond Calmette dit Jolibois et Geneviève Carisindienne panis, s’épousent à Saint-Joseph le 24 juillet 1752. Il était le fils d’Antoine Calmette et d’Antoinette Lacorne, soldat de la garnison dans la compagnie de Jacques-Pierre Daneau de Muy. Geneviève Caris “demeurait chez M. de Muy, commandant du fort“. Marie-Geneviève (1753) et Julie (1754) naissent. Puis Geneviève Caris décède vers 1755. Nous n’avons pas retrouvé l’acte de sépulture.

On porte en terre à Chambly, le 12 décembre 1779, Thérèse, esclave panis , âgée d’environ 45 ans, de Jean-Marie Gilbert, maître-forgeron, époux de Julie LefortEt aussiJacques, panis de monsieur Gleeney, âgé d’environ 7 ans, a été inhumé le 13 février 1783.

*Ces données proviennent des registres paroissiaux de Chambly et de St-Mathias-sur-Richelieu ou des actes de notaire. Les mots nègre et sauvage étant d’usage commun à l’époque, nous les reproduisons tel sans qu’un lecteur n’y voie aucune allusion raciste.

Illustrations: L’Opinion Publique: Homme de ferme, 1er octobre 1887. L’indienne Panis, 7 mars 1872