Paul-Henri Hudon
HISTOIRE – On peut lire sur la copie de cette photographie exceptionnelle: “Première photographie en Canada. 1850. C. Dion“. Si ce n’est pas la première photographie au Canada, (gardons un petit doute), ce cliché très rare, nous montre cependant la plus ancienne représentation de Chambly. En hiver 1850. Quoique “neigeux” et un peu flou, le portrait éraflé laisse voir l’église de 1810-1881, le presbytère de 1780-1875 et, à gauche, le collège du curé Mignault érigé en 1826, démoli en 1871. Appuyée sur les rives du bassin, la brasserie des frères Demers. L’épreuve a été prise depuis la propriété de la famille Dion (lot 121), avenue Bourgogne. La petite maison à l’avant-plan pourrait être celle qui sera vendue par Jean Dion à David Morisson (Charles-Gédéon Scheffer, 6 mai 1856).
Jean-Baptiste-Charles Dion (1828-1918) est baptisé à Chambly le 10 mai 1828. Le fils aîné du boulanger Jean Dion et d’Éléonore Benoit a 22 ans à cette date. C’est le frère de Joseph-Octave Dion, gardien du fort de Chambly. Il est décédé à Paris en 1918. S’il avait persévéré dans ce métier d’artiste photographe, Charles Dion serait-il devenu le Nadar ou le Notman canadien ? (Sur Charles Dion, voir le journal Le Montérégien, 7 octobre 2020, “Charles Dion. un inventeur génial ou un irresponsable?…“).
Charles Dion, photographe, s’installera à Montréal vers 1853. On le retrouve aux adresses suivantes : au 210, rue Notre-Dame (1859), aux 197 et 203, rue Saint-Antoine, puis aux 5 et au 7, rue Bonaventure, entre 1859 et 1866. (L’Ordre, 18 janvier et 16 décembre 1859). Il possède un studio de photographie, enregistré sous les noms de Charles Dion & Cie (1858), puis de Charles Dion & Frère (1864-1865). (La Minerve, 22 novembre 1862. SHSC, dossier Charles Dion, Boîte B-2, D-197). En 1862, il annonce une réduction de 40$ à 25$ pour des photographies à l’huile. Charles Dion et son frère, Joseph-Octave, habitaient au 5, rue Bonaventure en 1865.
Les journaux du temps sont admiratifs. “M. Charles Dion, daguerréotypiste, rue Notre-Dame, près de la rue McGill, nous a fait voir un paysage transmis au positif sur le papier par l’action de la lumière, au moyen des instruments de daguerréotype. C’est la partie de la ville qui comprend le marché au Foin, l’église St-Patrick, Beaver Hall… etc, qu’il a ainsi fidèlement copiés, si bien que les enseignes mêmes y sont visibles“. (La Minerve, 17 septembre 1853). “Sous le rapport artistique, nous mentionnons l’excellent atelier de photographie de notre ami C. Dion. Les portraits qui sortent des mains de M. Dion sont de véritables petits chefs d’oeuvre sous tout rapport. Nous avons eu tout récemment l’occasion d’admirer une photographie à l’huile (!) qui était exposée dans ses salons. En vérité, rien ne pouvait surpasser ce cadre”. (L’Ordre, 16 décembre 1859).
Charles Dion aurait pratiqué l’art de la photographie entre 1850 et 1866, avant de partir pour New York et Paris. Photographe à l’esprit curieux et inventif, écrit Mme Désy, Dion se distingue déjà en 1853 parmi ses confrères à l’Exposition provinciale par la réception d’un prix pour la qualité de ses épreuves, devenant le premier daguerréotypiste à Montréal à adopter la méthode d’impression sur papier. Mme Désy poursuit (p. 200) : Charles Dion, à l’avance sur son temps, demande en 1859 l’assistance financière du gouvernement pour la publication d’une série de vues photographiques canadiennes. Malheureusement le comité de sélection refuse de le recommander et il abandonne son idée.
Références: La scène d’hiver montrant le village de Chambly en1850 provient des archives de la Société d’histoire de la seigneurie de Monnoir. Négatif de verre provenant du fonds Léon-Alfred Viens, photographe. No DSC -0224. Gracieuseté de Suzanne Desfossés.
Sur le verso du portrait-carte du colonel Bastien on précise que Dion & Frère a mérité le premier prix en 1863. Archives de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly. Fonds François Gloutnay.
Louise Désy, L’histoire de la photographie au Québec à travers les périodiques, 1839-1880. Mémoire présenté à l’UQAM, comme exigence partielle de la maîtrise en étude des Arts. ANQM. FC 2922.9, mars 1984.