Joseph de St-Louis Lajeunesse, père de la cantatrice Emma Albani.

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Joseph Lajeunesse est de la sixième génération d’une lignée familiale qui portait le nom de Charles. L’ancêtre Étienne Charles, établi à Trois-Rivières, fut surnommé Lajeunesse. Puis ce surnom à remplacé le nom, imposant l’homonyme Lajeunesse. Le grand-père Charles Lajeunesse sera, quant à lui, qualifié de “dit Clément et dit Quenoche“.

Le biographe de The Canadian Album, le dit né à Saint-Martin de l’Ile Jésus en 1822. Or, il a été baptisé sous le nom de Joseph-Marie Lajeunesse (1818-1904), le 7 novembre 1818, fils ainé de Charles Lajeunesse, menuisier, et de Marie-Victoire Labelle. Ce fils majeur de feu Charles Lajeunesse épousera à Notre-Dame de Montréal Rachel-Mélina Mignault (1827-1856), fille mineure du menuisier Basile Mignault (1795-1869), maître-chantre et capitaine de milice de Chambly, et de Rachel McCutcheon (1806-1885), le 7 janvier 1846. Étaient présents comme témoins, Stanislas Drapeau et Louis-Amable Lionais. Étonnamment, aucun parent des familles Mignault ni Lajeunesse ne signe au registre des mariages. Ce qui pose question. Pourquoi ce mariage est-il célébré à Montréal et non à Chambly, lieu de résidence de la mariée, comme le veut la coutume ? Une enfant mineure doit avoir l’autorisation de son père pour prendre mari, selon la pratique de l’Église catholique de ce temps. Pourquoi cette fille mineure, qui contracte mariage hors de la paroisse de ses parents, n’est-elle pas accompagnée d’un témoin, membre de sa famille ?

On connait dans la famille de Joseph Lajeunesse quinze frères et soeurs, dont sept meurent avant l’âge de deux ans. Deux frères, Jérome (1820) et Félix (1823) Lajeunesse, avaient pris épouse à Notre-Dame de Montréal en 1845. Les membres de cette famille semblent se disperser vers divers horizons.

Emma Albani

Joseph Lajeunesse aurait étudié au collège de Sainte-Thérèse pendant six ans. Il fut ensuite sculpteur (!) pendant deux ansIl se consacra à l’apprentissage de la médecine pendant cinq ans, vraisemblablement sous le patronage du docteur Charles Dorion de Montréal. Le docteur Dorion et Zoé Beaudry son épouse parraineront son premier enfant, Marie-Zoé-Mélissa Lajeunesse (1846-1847), baptisée le 3 novembre 1846, inhumée le 1er janvier 1847. Là aussi les Mignault et les Lajeunesse semblent absents lors de ces cérémonies. La naissance de Marie-Louise-Cécilia-Emma Lajeunesse (ainsi qu’Emma Albani signait son nom) est discrètement évoquée dans le journal La Minerve du jeudi 4 novembre 1847. (Trouvaille capitale et inédite de Raymond Ostiguy, qui clôt toute autre supposition sur le lieu et la date de sa naissance). Emma Albani est née à Montréal, le 1er novembre 1847. Mais où fut-elle baptisée ?

Est-ce au collège de Sainte-Thérèse que Joseph Lajeunesse aurait développé ses talents de musicien ? Mme Albani écrit dans ses Mémoires: “Mon père était un musicien qui jouait habilement de l’orgue, de la harpe, du violon et du piano“. (Mémoires, p. 17). “À 31 ans, Joseph Lajeunesse a été embauché par les marguilliers de Chambly pour une année au salaire de 30 livres, pour toucher l’orgue“. (Archives du presbytère de Saint-Joseph, Livre des marguilliers, boite 1, page 58, 21 octobre 1849). Or, avant la fin de son service comme organiste, les marguilliers de Chambly engageront, le 28 juillet 1850, une jeune fille de 17 ans, Berthilde David, avec un salaire de 36 livres, pour remplacer Joseph Lajeunesse, quand ce dernier aura terminé son année. Mécontent, il rouspète publiquement: “Un parti pris grossièrement dominateur a répandu le bruit que je quitte Chambly… et que je laisse l’orgue. Ce bruit est complètement faux. De plus on a sourdement révoqué en doute ma capacité sur la musique, prétendant que je n’y connais pas grand chose… Pour détruire cette assertion, j’ose évoquer ma longue pratique dans cet art, les nombreux certificats que j’ai reçus, et les témoignages significatifs des élèves que j’ai formés sur le piano, le violon et la harpe…“. (La Minerve, 15 août 1850).

Joseph Lajeunesse, lors de son séjour en Europe, se serait-il lui-même honoré du titre à particule “de St-Louis“, dont on ignore le motif et la provenance ? Un excès de vanité, peut-être ! Joseph de St-Louis Lajeunesse sera inhumé à Chambly, âgé de 86 ans, le 2 août 1904. Les funérailles furent célébrées par son fils, l’abbé Joseph-Adélard Lajeunesse (1850-1914), curé de Sainte-Monique.

Sources, The Canadian Album, Men in Canada, 1896, p. 317. Biographie et photographie, communication gracieuseté de M. Jacques Beauregard. La Presse, 29 juillet 1904. Nos Origines, Généalogie du Québec et d’Amérique française.

Paul-Henri Hudon, Pierre Nadon, Pierre Vachon, Une fleur de l’art vocal, L’Albani, Les Cahiers de la seigneurie de Chambly, no 34, septembre 2010, 60 pages.