Paul-Henri Hudon
HISTOIRE – Jean-Baptiste-Melchior Hertel de Rouville (1748-1817), capitaine d’infanterie, colonel de milice, seigneur de Rouville et juge de paix, auteur, député et conseiller législatif, a été une des personnalités les plus titrées de l’histoire de Chambly. Pourtant son nom fut pratiquement oublié ou négligé dans notre historiographie locale.
Ne pouvant tout résumer ici de ce personnage, il importe tout au moins d’insister sur ses engagements militaires dans cette île éloignée qu’est la Corse. En effet, après la défaite de 1759, officier dans le régiment de Languedoc, Melchior fit campagne en 1768-69 contre les troupes du général Paoli dans l’Île de Beauté. Ce dernier, chef de la république indépendante de Corse et démocrate, avait parmi ses opposants la famille Bonaparte.
De retour au Canada en 1772, Melchior est fait prisonnier par les Américains lors de la guerre d’Indépendance en 1775. Après deux ans de prison, on le retrouve à Montréal… “Poète à ses heures, Melchior Hertel de Rouville compose en 1777 <L’entreprise manquée ou le siège du fort Stanmix>, un poème héroïcomique qui décrit en trois chants la défaite de l’armée britannique par les Américains dans l’État de New York”. (Jean-Jacques Lefebvre). En avril 1813, il entreprit aussi la rédaction d’une monographie familiale: “Je commence ce livre aujourd’hui, sans aucun plan de ce que je veux y mettre, ainsi l’on ne doit point y trouver à redire, si les différentes choses qui s’y trouveront écrites sont sans aucune suite…”
Pour le mariage de sa fille, Marie-Anne-Julie (1788-1855) avec son cousin Charles-Michel de Salaberry (1778-1829), il avait obtenu une dispense à cause des liens de parenté . Il écrit: “A Sa Grandeur, Monseigneur J. O. Plessis, évêque de Québec. C’est avec la plus vive reconnaissance que j’ai reçu la lettre gracieuse qu’il a plu à Votre Grandeur de m’adresser, par le major de Salaberry. Rien ne pouvait être plus flatteur pour moi que votre approbation dans l’établissement de mes enfants. Qu’il me soit permis de de vous faire mes remerciements des bontés que vous avez eu (sic) en accordant les dispenses que l’on vous a demandé (sic). Ils se sont mariés à onze heures du matin, et mes idées se rencontrait (sic) parfaitement avec les vôtres, pourvu que la chose ne se fit point le soir. Madame de Rouville et moi vous prions de nous continuer les mêmes bontés, et moi particulièrement, Monseigneur, celle de me croire avec le plus profond respect, de votre Grandeur, le très humble et obéissant serviteur Hertel de Rouville“. (Archives du diocèse de St-Jean-Longueuil, 1-A-29).
Melchior n’est pas toujours aussi onctueux dans ses propos. Décrivant une lointaine cousine, il la caricature vertement: “…elle a été mariée dans un âge avancé, malgré l’avis de tous ses parents, à un certain Desjardins, mauvais sujet, qui l’a bien battue et a mangé le peu qu’elle avait, et qui ensuite l’a abandonnée. Il est vrai qu’elle est imbécile“.
Il avait épousé le 10 mai 1784, Marie-Anne Hervieux (1750-1819), fille du riche marchand montréalais, Jean-Baptiste Hervieux. Elle lui donnera une généreuse dot et huit enfants, dont deux seulement survivront. Il vient s’installer à Chambly en 1789, où il sera élu député du comté de Bedford (Rouville) dans le premier parlement de la colonie en 1792. Sa carrière politique le conduira à la fonction de conseiller législatif en 1811. Il mourut le 30 novembre 1817 et son épouse, le 24 janvier 1819. Leurs dépouilles sont inhumées “dans l’église” de Chambly.
Références Jean-Jacques Lefebvre, Rouville, dans Le Canada, Beauchemin, 1968, page 268. Archives de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly