Il y avait un moulin à papier à Chambly entre 1842 et 1851

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Eh bien oui ! On a fabriqué du papier à Chambly. Comment croire qu’une manufacture de ce type ait existé à Chambly ? La mémoire historique avait oublié cet important événement.  Seul L’historien Armand Auclaire en fait allusion dans un de ses écrits, sans élaborer sur le sujet. Jean-Louis Roy, le biographe de Louis Perrault a ignoré cette initiative. Personne ne pouvait en situer l’emplacement.

En 1850, cet établissement occupait les rives de la rivière, entre le domaine et la maison (dwelling) de William Yule au sud, et le lot et le manoir de Charles-Michel de Salaberry au nord. Les bâtiments précédents avaient servi de brasserie pour l’entrepreneur John Yule. Ils ont été acquis en 1839 par le seigneur Samuel Hatt. Ce dernier vendra le terrain à l’imprimeur montréalais, le patriote Louis Perrault (1807-1866) en 1842. Ce dernier le cédera à un Américain, John Logan le 11 juillet 1851. (Notaire Charles-Augustin Brault).

Le long de la rue De Richelieu, circonscrit entre la rivière et le chemin sur une bande étroite de 108 pieds de longueur, cet établissement industriel a produit à l’époque du parchemin de qualité. On dit 300 tonnes par an. Seules subsistent quelques ruines de pierre visibles à l’adresse, 22 rue De Richelieu. On peut lire dans le recensement de 1851 “qu’il y a un moulin à papier dans le Canton qui est mu par l’eau. Cet établissement, ci-devant la propriété de Louis Perrault, est maintenant la propriété de John Logan. Le moulin embauche dix employés“. (Recensement de Chambly en 1851). Les mêmes entrepreneurs Logan, John et Alexander, associés à leur beau-frère Angus MacDonald (Margaret Logan) sont présents dans trois régions papetières du Bas-Canada, Portneuf, l’Estrie et Chambly. L’historien Fernand Ouellet écrit “qu’il y a huit moulins à papier  dans la Province vers 1850. La rivière Portneuf fait mouvoir quelques moulins. L’un appartenant à MacDonald, Logan & Cie, l’autre à MacDonald & Smith“. (Histoire Économique et Sociale du Québec, p. 506).

Au temps de Louis Perrault, le papier était produit à partir de chiffons récupérés, de lin et de chanvre, bref des guenilles de coton. À ces fibres, on ajoutait parfois de la paille. Elles sont dépoussiérées, déchiquetées dans l’eau, transformées en pâte, séchées puis pressées feuille par feuille sur un étendoir. Il faut tout le doigté d’un expert pour produire une pulpe suffisamment consistante, mais en même temps mince à souhait, pour rendre une feuille souple mais résistante. “Qu’est-il donc arrivé, écrit un nostalgique, aux papetiers d’antan qui avaient les mains larges comme des assiettes à force de frapper sur les rouleaux de papier, aux cuiseurs dont chacun avait sa recette pour faire une bonne pâte… ?” (Revue Le Papetier, vol 38, no 2).

Le plan a été dressé par l’arpenteur John Ostell, le 30 juin 1851. On y voit une écurie ou  hangar (stable) à droite, un “lime house” (four à chaux) à gauche, l’entrée d’eau (mill race) et le bief (dam) dans la rivière Richelieu d’une longueur de 557 pieds pour canaliser l’énergie de l’eau vers le moulin. Cette carte provient du greffe du notaire Charles-Augustin Brault, intitulé: “Plan of the property of M. Louis Perrault, situate at the Canton of Chambly“, en date du 30 juin 1851.

Autres références: Paul-Henri Hudon, Des moulins, une brasserie, une papeterie à Chambly, Étude inédite, décembre 2004, 35 pages. L’Aurore des Canadas, 29 décembre 1842, 10 mars 1843. Armand Auclaire, L’industrie à Chambly, Cahiers de la seigneurie de Chambly, no 10, septembre 1983, page 25. Jean-Louis Roy, Louis Perrault, Dictionnaire Biographie du Canada, vol IX, pages 698-699. Angus MacDonald, Dictionnaire biographique du Canada, vol XI.