“Il a gagné ses épaulettes, ma luron ma lurette”. L’élection partielle du 30 juillet 1886 dans Chambly.

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – C’était une ritournelle triomphaliste que l’on criait devant les “hustings” autrefois. L’auteur l’a entendue dans les années 1950, lors de la victoire électorale d’un candidat quelconque.

L’élection partielle du vendredi 30 juillet 1886 dans Chambly a dû retentir de ces vivats ! Ce jour là, s’est produit un renversement de pouvoir, longtemps espéré. Il porta enfin les Libéraux du comté de Chambly à une victoire locale. Que se passe-t-il ?

Louis Riel vient d’être pendu le 16 novembre 1885. Le fait va provoquer une effervescence nationale. Tout le pays francophone est en émoi. Des foules immenses se pressent aux assemblées.

Louis Riel

À Montréal, 50 000 citoyens. 3 000 personnes à Longueuil, 500 à Chambly, 300 à Saint-Hubert. L’excitation est générale. Le parti conservateur est qualifié honteusement de “parti de la corde”, les élus qui ont voté la pendaison de Riel portent l’odieux qualificatif de “pendard”. Le 13 juillet 1886. M. Pierre-Basile Benoit, député fédéral “pendard” de Chambly, l’imbattable, démissionne après seize ans et dix mois de service.

Il se retire définitivement. Il a obtenu une bonne position comme surintendant du canal. Le journal La Patrie en fait ses choux gras. Il faut donc ouvrir un scrutin et élire un remplaçant.

Jamais une élection aussi importante n’aurait eu lieu dans ce comté, clamait Honoré Mercier, sur la tribune au parc de la Commune. L’honneur et le bien-être des citoyens de ce beau comté de Chambly sont en jeu. La Province de Québec sera surement unanime à applaudir les électeurs de Chambly, le 30 juillet prochain. Mercier ne pouvait mieux dire. Le jeune candidat Raymond Préfontaine (1850-1905), (futur ministre dans le gouvernement Laurier et futur maire de Montréal), que l’on aperçoit sur la photo du haut,  triomphera de son adversaire conservateur Isaïe Jodoin.

Honoré Mercier

Il renversera la majorité traditionnellement accordée au candidat conservateur. “C’est le glas funèbre du parti de la corde”, écrira La Patrie, le 31 juillet 1886. Le verdict de l’électorat de Chambly va envoyer un signal. L’élection générale qui suivra à l’automne de 1886 portera Honoré Mercier au pouvoir, grâce au mouvement national. Il fera élire 32 députés, qui seront appuyés par quatre ou cinq conservateurs nationaux.

Il deviendra premier ministre en 1887. Le scrutin de Chambly avait fait basculer pour un court terme les pôles bi-partisans. L’affaire Riel aura donc porté chance aux Libéraux.

Sources: La Patrie, 16, 17, 19, 20, 24, 31 juillet 1886