Exposition de l’artiste Karine Demers : Des carrousels dans la tête

SAINT-BRUNO – Le Centre d’exposition du Vieux Presbytère présente jusqu’au 3 mars l’exposition de l’artiste Karine Demers : Des carrousels dans la tête. Naviguant entre le travail de répétition et le processus de guérison par l’acte méditatif, l’exposition Des carrousels dans la tête est issue d’explorations créatives intimes, adressant les contraintes propres aux désordres d’habitudes (troubles obsessionnels compulsifs) et à l’anxiété.

Par l’accumulation du geste, l’artiste propose de sublimer la honte du déséquilibre psychique en une force créatrice. La ponctuation des formes et des couleurs se refuse à tout désordre et engendre la satisfaction esthétique propre à la catharsis, permettant la libération et à la sublimation des états troubles en un dénouement réparateur.

Des carrousels dans la tête : Description du projet

Avec cette série d’œuvres réalisées avec des brochures de théâtre (Théâtre Denise-Pelletier saison 2018-19), j’explore le sujet de la répétition formelle, de la présentation de soi et de la transformation.

La répétition issue d’un trouble obsessionnel compulsif et d’un trouble anxieux sévère, est utilisée tel le jeu d’acteur, qui dans la rigueur des répétitions parfois astreignantes ou douloureuses, arrive au final, à offrir quelque chose de beau, une expérience qui transcende la préparation et, pour ce qui est du travail de production de l’artiste visuel pour son tableau, la laideur mais aussi, la honte vécue par les déséquilibres psychiques.

La répétition formelle, qui se déploie dans différentes directions, crée une dynamique qui se renouvelle à chaque réalisation et devient ainsi une chose tangible, le papier soutenant l’inlassable geste répété du pliage. Un aspect de ce travail s’illustre d’ailleurs dans la capacité d’exécuter la séquence sans relâche. Comme avec la répétition du texte dans le jeu et la mise en scène, à travers lesquels les mouvements et les paroles se renouvellent indéfiniment pour créer la pièce, la répétition des petites pièces crée le tableau, par les suites, les séquences et la durée.

Vient parallèlement la présentation de soi, qui subsiste à travers un ingénieux travail de dissimulation. Le trac et l’anxiété sont ainsi canalisés dans l’action de plier ou d’interpréter et disparaissent dans l’action. Parler, réciter et déambuler sur scène sont l’exutoire d’un état d’urgence, tout comme le sont plier, assembler et composer le tableau. L’œuvre d’art, comme la pièce de théâtre, est destinée à être vue en tant que résultat d’une mise à nu et d’une libération d’émotions. La source de la performance ou du tableau est intime et se sublime dans un objet visible pour tous. Le papier imprimé recyclé révèle ainsi l’idée de dissimuler de l’information visuelle. Une fois plié, c’est en effet plus des trois quarts du contenu qui disparaît et auquel le public n’a plus accès. Dans l’œuvre, beaucoup est ainsi caché. Il s’agit d’une sorte d’art éphémère et secret, qui n’est visible que dans la réalisation.

Enfin, dans l’œuvre, comme dans la pièce de théâtre, tout est transformation. Ce qui existe dans une forme donnée – le comédien et la brochure de théâtre – s’interprète et se réinterprète dans une forme nouvelle – le personnage de la pièce et les petites pièces du tableau –. Le travail de l’artiste, comme celui du metteur en scène et du comédien, détermine la forme finale du matériau de base. Un individu devient un personnage; des brochures deviennent des fleurs ou des cercles tels des carrousels cachant les émotions vécues par l’artiste. De longues lianes de papiers, parsemées d’insertions de couleurs franches en guise de ponctuation, remplacent la parole de l’artiste.

Le résultat final naît de la décision de celui qui s’approprie la matière. L’œuvre et le personnage aurait pu être autre, si l’artiste ou le comédien avait été autre.

Karine Demers