En 1820, Chambly lançait son premier bateau à vapeur sur le Richelieu

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – Il y a tout juste deux cents ans, le gens d’affaires de Chambly mettaient à l’eau le premier vapeur qui ait sillonné la rivière Richelieu. Il s’appelait le “De Salaberry“. Une initiative canadienne française, accompagnée de quelques anglophones locaux, une audace, dirais-je, qui n’allait pas faiblir pendant tout le siècle, malgré une féroce concurrence.

Rappelons que le brasseur de bière John Molson avait, le 19 août 1809, conduit  le premier vapeur sur le Saint-Laurent, l'”Accommodation“, de Montréal à Québec avec dix passagers.  Une première canadienne. En 1817, John Goudie entreprenait la traversée entre Québec et Lévis en lançant le “Lauzon“, premier bac-vapeur de cette région. C’était des entreprises privées. Le commencement d’un long développement du transport maritime au Québec

Mais, en 1820, l’initiative de doter la rivière Richelieu d’un navire à vapeur provient d’un regroupement de gens d’affaires de Chambly, une ville située à la limite extrême de la navigation sur le Bas Richelieu.

Le promoteur est Charles-Michel de Salaberry (1778-1829), assisté du nouveau seigneur de Chambly, Samuel Hatt (1776-1842), de Hertel de Rouville, seigneur de Rouville, des marchands de Saint-Mathias, Joseph (1785-1827) et Timothée Franchère (1791-1849).

Les marchands, Joseph-Toussaint Drolet (1786-1838) de Saint-Marc et Pierre-Dominique Debartzch (1782-1846), seigneur de Saint-Charles, sont des actionnaires influents. On retrouve aussi de Chambly Louis Gareau, marchand, le financier William Yule (1772-1843), le commissaire aux casernes Pierre Murta (c1775-1847), l’entrepreneur Augustus Kuper (c1790-1847), le curé Pierre-Marie Mignault (1784-1868), le notaire René Boileau (1779-1842), le négociant John Lynch (c1760-1831) et son fils, Abraham Lynch, et d’autres.

Le comité directeur, qui “s’assemble tous les lundis de chaque mois”, est formé de Salaberry, Hatt, Boileau, Drolet et Franchère. Tous actionnaires. Chacun signe son adhésion, s’engageant à “faire construire et mettre en état de naviguer à l’ouverture de la navigation un vapeur ou steamboat de cent cinquante tonneaux. Le nombre de parts est fixé à cent vingt. Chaque personne a une voix délibérative, quand bien même il serait possesseur de plusieurs parts“. Don une sorte d’association de type coopératif.

On y trouve de plus des gens d’affaires de La Prairie, François Jérémie, fils, Jean-Baptiste Raymond, père, marchand et Jean-Moïse Raymond, son fils, le notaire et négociant Edmund Henry, William Lamothe, marchand. De Saint-Mathias, le marchand Eustache Soupras.

De Saint-Jean, Louis et François Marchand. De la région de Beloeil, le seigneur René Hertel de Rouville, les marchands Augustin Cartier et Alphonse Dumont. Jacques Cartier et Joseph Cartier, négociants de Saint-Antoine. Louis Guérout, marchand et son associé, Henri Lemesurier et Wolfred Nelson, médecin, sont de Saint-Denis.

On peut identifier dans ce groupe d’une trentaine d’associés un bon nombre de patriotes, qui seront actifs lors des événements de 1837. Chambly mobilise tout le gratin commercial du Richelieu.

“On construit donc et on met en état de naviguer un vaisseau à vapeur, icelui pour porter des effets de Chambly à Québec et à Montréal. On confie à François Jérémie, père, le mandat de faire un bateau comme le Lady Sherbrooke qui navigue actuellement de Montréal à Québec; il aura cent cinq pieds de longueur de quille et vingt-quatre pieds de large avec une addition de six pieds chaque bout pour les ailes… il aura un “low pressure engine” de quarante chevaux-vapeur. Le tout coûtera 4 200 livres, cours actuel. Ce bateau, ajoute-t-on, aura trois places d’affaires, soit Québec, le bassin de Chambly et Montréal”.

Les Molson, père et fils, propriétaires de la “Saint Lawrence Steamboat Company“, n’allaient pas tarder à s’installer à Chambly, près de l’actuelle entrée du canal. Les Molson loueront en 1828 “two story wooden houses with the yard, stable, shed and ice house” appartenant à John Bunker, hôtelier de Chambly, jusqu’en mai 1831. Une compétition commerciale qui se corse !

Références. Paul-Henri Hudon, “La navigation à Chambly, Vapeurs et traversiers”. Étude inédite primée par la SHVR en 2002, récipiendaire du prix Percy-W. Foy. Notaire Joseph Demers, 30 octobre 1820, pièce no 1411. Notaire Griffin, 11 décembre 1828. Carte gracieuseté de Raymond Ostiguy.