Chants de femmes et chants de prêtres

Paul-Henri Hudon

HISTOIRE – L’expression est trop jolie pour l’ignorer. « La voix du Québec, plus grande que les autres, cette voix qui est à moitié chant de femme et moitié chant de prêtre… on a voulu la mêler dans la même harmonie de voix de ceux qui guident les hommes à la voix de celles qui les enfantent, les voix priantes aux voix berceuses, l’humaine à la divine ... » (Dalbis, p. 186).

L’énoncé provient d’un ouvrage français, où l’auteur exulte à la vue de « ce bouclier de la culture française, sentinelle avancée à une des portes du nouveau monde anglo-saxon, qui garde la passé, protège le présent et réserve l’avenir. » (p. 62). Oui ! cette délicieuse formule devait revivre.

Chants de femmes et chants de prêtres évoquent la double empreinte nationale… Soit l’étonnante fécondité des mères et la geste effective des curés de campagne, seuils qui ont fondé le Canada français. Les deux sources de notre existence. Piliers du passé et rochers intemporels.

Les voix du haut de la chaire jointes aux notes de la berceuse. C’est ainsi que la matrice et la maturité, la nature et la culture se sont fondues pour créer notre peuple, « qui s’était retranché dans les sillons ». Mères et prêtres, tous deux porteurs d’avenir.

On a trop dénigré la « revanche des berceaux ». La caricature « priest riding Province » se voulait méprisante. C’est oublier que notre survivance leur est due. Femmes prolifiques et prêtres engagés.  Nous sommes issus de leur générosité. À l’image des curés du nord, Antoine Labelle et Nicolas-Tolentin Hébert « Ce sont gens d’une race qui ne sait pas mourir. » (Louis Hémon).

Cet auteur obscur, Louis-Janvier Dalbis (1881-1937), dédiait, en 1925, son oeuvre « à ceux qui sur la terre d’Amérique ont maintenu le doux parler de France ». Évoquant la figure de Maria Chapdelaine, ces chants, écrit-il, « disent le charme d’un pays jeune et riche ainsi que la douceur d’une langue harmonieuse et claire Tous ont compris le sens de la clameur auguste des orgues… et les veillées de chants et de jeux presque tous les soirs ». Ces voix chantent encore « les vertus de ceux qui restent attachés au sol et la coupable faiblesse que ceux qui s’en vont ».

Parmi les voix d’outre-tombe, on aurait pu évoquer, le « plain-chant »,  les « chants de gorge inuits », les « turluteries cadencées au tape-pied », les chants « grégoriens a capella », l’auteur a choisi de marier chants de femmes et chants de prêtres. Ainsi soient-ils !

Sources L. J. Dalbis, Le bouclier canadien-français, C. Déom, Montréal 1925, 241 pages. Et Éditions Spes, Paris,