Bienvenue à mon cauchemar : les morts-vivants du rock sont parmi nous !

Pierre-Yves Faucher

MUSIQUE – Plusieurs des idoles musicales encore vivantes de la génération des baby-boomers ont maintenant atteint la soixante-dizaine. Par exemple, Eric Clapton (74 ans), Alice Cooper (71 ans), David Gilmour (73 ans) et Paul McCartney (77 ans) sont encore actifs sur disque et sur scène, mais à un rythme moins effréné que dans leur jeunesse.

Après en avoir perdu des dizaines depuis 40 ans, les départs se sont multipliés au cours des dernières années. Tout récemment, parmi les plus connus, on n’a qu’à penser à B.B. King en 2015, Tom Petty, Chuck Berry, Glen Campbell, Johnny Halliday en 2017, Aretha Franklin (2018) et à Doctor John (2019).

Dans les années 1970, nous devions consulter le dictionnaire des amphétamines et le guide du parfait barman pour connaître la raison de leur départ prématuré. On n’a qu’à penser à Elvis décédé à 42 ans en 1977 d’une défaillance cardiaque. L’autopsie a révélé des niveaux élevés d’opiacés, de Quaaludes et de codéine.

Tous ceux et celles qui sont morts à 27 ans comme Janis Joplin (surdose d’héroïne), Jimi Hendrix (asphyxie et intoxication aux barbituriques), Jim Morrison (insuffisance cardiaque congestive) et Amy Whinehouse (intoxication alcoolique) ne se nourrissaient pas au tofu et ne se désaltéraient pas à l’eau claire. On s’est comme habitué à voir disparaître très jeunes ces êtres torturés qui apaisaient leur mal de vivre.

Les résilients

Les survivants désintoxiqués ou partisans d’une vie plus saine après 50 ans font maintenant face aux problèmes de santé dus à l’âge avancé. On doit passer maintenant du dictionnaire des drogues et des alcools au dictionnaire de médecine avancée pour comprendre l’état de santé de nos rockers préférés.

En 2013, Eric Clapton, un survivant de la toxicomanie sous toutes ses déclinaisons, a reçu le diagnostic de neuropathie périphérique qui désigne l’ensemble des maladies des nerfs appartenant au système nerveux périphérique et qui provoque des fourmillements dans les extrémités et des chocs douloureux, rendant ainsi le jeu de guitare plus difficile à manoeuvrer. Il donne encore des concerts, mais sous forme de résidence plusieurs soirs dans le même amphithéâtre dans les grandes villes du monde.

Le mystère « Keith Richards »

Ne me parlez pas de Keith Richards ! La science actuelle ne comprend pas le phénomène. Il a, semble-t-il, échappé au moins 10 fois à la mort à partir de sa naissance : entre autres, les bombardements des nazis sur Londres en 1944, électrocution sur une scène en 1965, altercations sur la scène du concert d’Altamont en 1969, incendies de domicile en 1971 et 1973, chirurgie pour traiter une fracture du crâne en raison d’une chute d’un arbre pendant ses vacances aux Iles Fidji.

C’est sans compter sur son style de vie comprenant les abus d’alcool, de LSD, de barbituriques, de « speedballs », un cocktail de cocaïne et d’héroïne à l’époque du « Swinging London ». La rumeur qui veut qu’il soit encore vivant semble donc nettement exagérée. Les Rolling Stones seront encore en tournée cet été après la convalescence de Mick Jagger (76 ans), opéré récemment au coeur.

Peter Frampton : un autre musicien qui tombe au combat

La plus récente annonce concerne l’état de santé de Peter Frampton. Cofondateur du groupe Humble Pie au début des années 1970, il a eu par la suite une carrière solo en dents de scie, mais tout de même remarquable avec des hits qui sont actuellement diffusés amplement sur les stations de type « classic rock » comme « Show Me the Way », « Baby I Love Your Way », « Do You Feel Like I Do » et « I’m in You » .

Ses quatre premiers albums solos obtinrent un succès commercial limité, mais les tournées incessantes en appui à ses albums ont porté leurs fruits et la consécration est venue en 1976 avec son album double en spectacle Frampton Comes Alive qui s’est écoulé à plus de 11 millions d’exemplaires dans le monde.

Guitariste de renom, il a travaillé entre autres avec Ringo Starr et Davie Bowie. Dans les années 1980, il continue d’enregistrer, mais les ventes sont plutôt modestes. En 1987, Frampton participe à l’enregistrement de l’album Never Let Me Down de son vieil ami Bowie et part en tournée avec lui (tournée Glass Spider).

Peter Frampton a avoué que cette collaboration l’a aidé à faire revivre sa carrière. Il n’a jamais cessé de travailler au cours des années 2000 et 2010, gagnant même un Grammy pour son album Fingerprints en 2007 pour le meilleur album pop instrumental. Un hommage donc à son jeu guitaristique.

L’ultime tournée

En février 2019, il a annoncé qu’il s’apprêtait à partir sur la route le 18 juin pour une ultime tournée. Dans son cas, on peut croire que ce sera la dernière. Sortons maintenant notre dictionnaire de médecine avancée.

Il a reçu le diagnostic indiquant qu’il était atteint de la myosite à inclusions, un trouble inflammatoire dégénératif caractérisé par une faiblesse des muscles touchant exclusivement la musculature volontaire.

En bref, il s’attend à ne plus pouvoir jouer de la guitare dans un an. Elle n’affecte pas l’espérance de vie, mais sûrement la qualité de sa vie. Aucun traitement permettant la guérison n’existe actuellement.

Des drogues sont à l’essai et l’exercice physique est le meilleur remède. Il a décidé de rendre le tout public pour aider les personnes qui en sont atteintes. Il a créé le Fonds de recherche Peter Frampton pour la myosite en collaboration avec le Centre de recherche universitaire John Hopkins. Un dollar sur chaque billet vendu de la tournée sera injecté directement dans le fonds de recherche.

Une fin de carrière toute en blues

En début de carrière, il a beaucoup joué de blues avec Humble Pie et en tournée plus récemment avec le Steve Miller Band et sur cette note (bleue) que sera jouée sa dernière offrande sur disque.

Cette galette s’intitule « All Blues » et comprend 10 standards du genre avec son Peter Frampton Band. On pourra les entendre à Montréal le 5 juillet prochain dans le cadre du Festival de jazz de Montréal.

Encourageons la musique « live » avec des musiciens « alive »

Si nos rockers préférés sont enterrés ou en voie d’être handicapés, ne désespérons pas, la cupidité de l’industrie et des successions n’a pas de limites semble-t-il, pour alimenter la nostalgie. Attendons-nous donc à de plus en plus de spectacles virtuels où un artiste décédé est accompagné par des musiciens sur scène.

Voici quelques exemples : Tupac au festival Coachella en 2012 (avec Dr. Dre et Snoop Dog sur scène), Michael Jackson au Billboard Music Awards en 2014, Ronnie James Dio (Elf, Rainbow, Black Sabbath) en 2016, la tournée de Roy Orbison (décédé en 1988) au Royaume-Uni et aux États-Unis en 2018. Il « partagera » la scène avec un Buddy Holly virtuel en 2019.

La tournée « The Bizarre World Tour of Frank Zappa » a débuté en avril dernier aux États-Unis et en Europe en compagnie d’anciens membres de son groupe.

Et cette année, on aura droit à une tournée d’ABBA sans chair et sans os, malgré le fait que les membres soient encore bien vivants.

Welcome to my nightmare !