Paul-Henri Hudon
HISTOIRE – À la lecture des documents anciens, il nous a semblé que le grand nombre de chevaux recensés sur les fermes de Chambly est impressionnant, si l’on considère le coût élevé d’entretien d’une écurie, particulièrement les frais de forgeron ou de vétérinaire. Conservait-on dans la région du bassin plus ou moins de chevaux en moyenne qu’ailleurs ? Si oui, pourquoi ? Il y aurait lieu de faire une histoire comparée de Saint-Jean-sur-Richelieu et de Chambly, pour vérifier s’il y a similarité ou pas.
Le recensement de 1842 est éloquent quant à la présence d’équidés sur notre territoire. Voici quelques données: Le record de montures est détenu par le notaire René Boileau qui en possède 25 (!). Il y en a 15 chez le bourgeois Honoré Demers. On trouve ensuite les sieurs John Glen, 12 chevaux, et Joseph-Frédéric Allard, aussi 12 destriers, tout comme Julien Lachapelle. Joseph Daudelin tient une écurie de 8 poulains, étalons et cavales. Léon Lafontaine, 9. Le cultivateur Charles Harbec en a 7; son voisin David Beauvais en déclare 5. Le même nombre de 5 chevaux est détenu par le commerçant et hôtelier François Papineau. Élisabeth Harbec, l’épouse séparée de Louis Papineau, en garde 6, alors que son “ex”, Louis Papineau s’en est réservé 8. Et j’en passe.
Ils ne sont pas rares les fermiers qui en gardent entre 5 et 7. Pourquoi autant de chevaux ? Évidement les familles comptant plusieurs enfants ont intérêt à disposer de plusieurs animaux de service. Le cheval sert pour le grands travaux de ferme, labours, hersages, semailles, roulages de terrains, les récoltes, la tire des billots de bois, le creusage des ruisseaux, le transport de l’eau, le voiturage hiver et été, et pour tous les déplacements des uns et des autres. Il tient lieu à la fois de nos tracteurs, automobiles, mobylettes, camions, autos-neige et rétrocaveuses. Et surtout, surtout, les chevaux sont sources de prestige,des signes de richesse. On les bichonne, on les étrille, on les soigne, on les pare d’attelages rutilants, on les fait parader et performer en compétitions amicales. On en est fiers, … comme de sa “Camaro” aujourd’hui.
Plus on détient d’arpents de terre en culture, plus il faut accroitre l’énergie chevaline. En 1842, les boeufs “de tire” ont été remplacés par des chevaux de trait, comme les lourds percherons, les robustes belges, les puissants clydesdale et les résistants canadiens. Les maquignons battent la campagne pour vendre et acheter des montures. Et on fait de l’élevage pour la vente. Ainsi les chevaux canadiens sont en forte demande:
“En 1836, les Américains achètent des chevaux canadiens dans la région de Montréal. Un Américain de Boston en amène une vingtaine pour une compagnie. Nos voisins achètent de nous tous les ans une grande quantité de chevaux de race canadienne, qui est sans contredit le meilleure pour tirer et résister aux travaux. Nos chevaux sont généralement francs et durs au travail. Nous engageons nos cultivateurs à veiller à ce que la race en soit conservée. Les chevaux sont ceux des animaux qui coûtent le moins à élever, surtout à la campagne”. (Journaux du 25 février 1836).
Le chemin de halage le long du canal de Chambly est occupé par les chevaux des charretiers. Ainsi Oscar Lareau disposait, à lui seul, de neuf chevaux pour haler les barges de charbon ou de bois. La présence des troupes britanniques et les casernes de la cavalerie exigeaient des coursiers nombreux. Des marchands devaient fournir en 1815 pour le camp militaire dans les forts de Chambly et de Blairfindie “tout le foin requis pour 300 chevaux plus ou moins (pas plus de 325 et pas moins de 275), ... (Notaire Griffin, acte no 1126, 13 septembre 1815). “Entre 1838 et 1843, il y avait plus de 250 chevaux à Chambly au service de la garnison“. (Michelle Guitard, Le camp militaire de Chambly, 1812-1869, Parcs Canada, 1980, no 416. p. 33). Et si de plus on additionnait tous les chevaux entretenus chez les fermiers et les bourgeois !
Sources: Archives de la Société d’histoire de la seigneurie de Chambly. (Hélas ! Les recensements n’identifiaient pas les races de chevaux détenus par les habitants). Bernadette Laflamme, <Les charretiers de canal> dans Les Cahiers de la seigneurie de Chambly, no 12, 1985, page 33.
Illustrations: Fonds iconographique de la Société d’histoire de la seigneurie de Monnoir; No DSC 7240. Devant le magasin général Boissonnault. Le départ d’un groupe pour une virée en campagne.