Alien : Covenant « Dans l’espace, personne ne vous entend crier »

Film de science-fiction et d’horreur, juxtaposition des meilleurs éléments des cinq opus précédents, Alien : Covenant, sans révolutionner le genre, nous ramène aux origines de la série avec un certain panache. L’histoire est archiconnue. Des colons dans leur vaisseau spatial quatre étoiles découvrent un mystérieux message, provenant de l’espace. Comme par hasard, ils réalisent bien vite qu’il est envoyé d’une planète inconnue et que ladite planète est propice à la vie humaine. Je vous laisse deviner la suite, mais elle pourrait se résumer par l’expression suivante : « Se jeter dans la gueule du loup ».

La recette fonctionne à merveille malgré cette absence globale de surprises et un sentiment pugnace de déjà-vu. Il s’agit, pour ainsi dire, d’une belle surprise, après cette avalanche indigeste de navets sortis durant le mois de mai, un mois fort peu ensoleillé, cinématographiquement parlant. Ridley Scott a été à l’écoute des critiques du film précédent et en a profité pour corriger le tir. Élément original à signaler, dans ce film, point d’ignares abrutis dans l’équipage du vaisseau, dont les erreurs et l’imbécillité congénitale seront à l’origine des catastrophes à venir, dixit M. Peter Weyland. Au contraire, les personnages, bien qu’esquissés rapidement, ont une certaine profondeur, une humanité qui leur est propre, rendant le film plus intéressant et la tension soutenue.

Ce détail infime peut paraître anodin, voire insignifiant, mais il permet aux spectateurs de s’attacher aux personnages et de se sentir interpellés lors qu’ils sont en danger. Autre nouveauté à mentionner, contrairement à une pléiade de films du même genre, imprégnés des idées de Thomas Hobbes, où « l’homme est un loup pour l’homme », les humains sont ici globalement bons, loyaux et respectueux entre eux. Dans le film, la cause première de leur malheur ne résulte pas de leurs actions néfastes ou irréfléchies, mais plutôt d’une trop grande gentillesse et d’une certaine candeur.

Intermède de la critique :

Petit moment d’indignation volontaire en hommage à feu M. Stéphane Hessel : chers spectateurs, chères spectatrices, n’écoutez surtout pas la bande-annonce d’Alien : Convenant, qui regroupe en 2 minutes top chrono, la totalité des moments-clé du film. Grâce à cette merveilleuse bande-annonce, votre humble serviteur connaissait grosso modo la triste destinée de chacun des personnages avant même le début du film, une sorte d’éjaculation précoce cinématographique. Alors, comme dirait M. Jean-Sébastien Girard, Chapeau!

Maintenant, concernant les acteurs, l’héroïne « Daniels », jouée par Mme Waterston, a un rôle relativement effacé, qui ne se démarque pas spécialement par la qualité de ses dialogues. À sa décharge, elle n’a pas vraiment la chance de faire valoir l’étendue de son talent. En fait, nous sommes loin d’une Sigourney Weaver, alias Ripley, qui crevait littéralement l’écran dans les quatre premiers films de la série. Michael Fassbender, dans la peau cybernétique du robot Walter, est égal à lui-même, bien qu’il donne parfois l’impression d’être encore traumatisé par son passage remarqué dans le navet « Assassin Creed ». Ses envolées lyriques, d’une drôlerie non assumée, ne passeront pas à l’histoire, en particulier l’interminable scène où il apprend à son frère à jouer de la flûte à bec (et il n’y a pas de sous-entendus sexuels ici!).

Les véritables héros du film sont, à vrai dire, les aliens eux-mêmes, dont la force de nuisances et de destruction est tout simplement infinie. Le film est une ode gore et sanguinolente à la lutte pour la vie de ces xénomorphes, sorte de créatures de l’enfer de Dante, mi-tonneliers des mers mi-murènes, créations du graphiste Hans Ruedi Giger. Même trente-huit ans après le film initial, le sentiment de répulsion est toujours aussi puissant chez le spectateur, lorsque nous assistons impuissant à la naissance cauchemardesque du monstre dans le thorax douillet d’un hôte docile. Cet antagonisme de taille, parasitaire à souhait (un peu comme Québec solidaire vis-à-vis du Parti Québécois), a cependant deux tares majeures le rendant vulnérable, soit son absence totale d’intelligence et sa boulimie incontrôlable. À certains moments, on se croirait presque en compagnie de M. Philippe Noiret dans « La grande bouffe ».

Par ailleurs, quelques moments particulièrement invraisemblables viennent ici et là plomber en partie l’histoire. Il y a un petit quelque chose de risible à voir nos explorateurs chevronnés de l’infini sidéral débarquer sur une planète potentiellement inhospitalière, ce qui sera effectivement le cas, en Elvis Gratton du dimanche, comme s’il s’agissait d’un véritable Club Med de l’espace, c’est-à-dire sans prendre les précautions d’usage. Erreur majeure et décisive, nous réalisons, bien vite, que les malheureux n’ont pas pris la peine de lire les conseils généraux, pourtant essentiels, du guide « Lonely Planet » à l’intention des voyageurs de l’espace. Pourtant, nous ne parlons pas ici d’un simple risque de « tourista » mexicaine.

Réveillez-vous, M. le scénariste, les protagonistes débarquent sur une nouvelle planète, ils ne visitent pas leur belle-mère à Hochelaga-Maisonneuve. Pourquoi n’avaient-ils pas, par exemple, des masques à oxygène, objet de protection pourtant élémentaire? Simple oubli ou raccourci scénaristique, je vous laisse en juger, par vous même. À vrai dire, même le capitaine Charles Patenaude n’aurait pas fait une pareille erreur. Dernier élément relativement rigolo, ces joyeux naufragés de l’espace découvriront et ce n’est pas un « spoiler », les ruines d’une civilisation extraterrestre. Pour une raison inconnue, ils réagiront à cette découverte avec autant de surprise et d’émerveillement qu’un Clint Eastwood lobotomisé.

Au final, malgré ces petits couacs de faible importance, ne boudez pas votre plaisir, Alien : Covenant, dans la lignée de ses prédécesseurs, vous fera passer un moment agréable. Vous risquerez même de faire le saut sur votre siège à l’occasion… bien entendu, si vous n’avez pas regardé la bande-annonce!

Du critique caustique