Charles Fraser-Guay
CHAMBLY – Dans le cadre de la série d’entrevues « Portrait de vos élus », nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Mme Alexandra Labbé, conseillère municipale du district Du Canton, à Chambly. Nouvellement élue le 5 novembre dernier, Mme Labbé a fait campagne sous la bannière du parti Démocratie Chambly, dirigé par M. Steeves Demers, qui a annoncé aujourd’hui son départ de la vie politique.
Chamblyenne depuis toujours, cette femme volontaire et énergique travaille actuellement à la boutique « Fido et Félix » et siège au conseil d’administration du refuge « Les chats sans toit ». Constatant son amour pour les animaux, nous n’avons pu nous empêcher de la questionner sur le projet de loi 128 qui vise à bannir les pitbulls. La conseillère est en désaccord avec l’approche actuelle du gouvernement : elle juge qu’il ne faut pas cibler de races de chien.
Mme Labbé est tombée dans la marmite de la politique municipale, dans un premier temps, pour défendre les animaux. Présente aux conseils municipaux à titre de citoyenne, elle constate d’emblée une certaine opacité dans le traitement de l’information et des demandes. Cette situation imparfaite lui a donné le désir de militer de façon plus soutenue; elle espérait ainsi faire œuvre utile.
Elle dit avoir trouvé en « Démocratie Chambly » une équipe dont les valeurs et la vision correspondaient en tout point aux siennes. « Nous avions le désir de redonner la ville aux citoyens », mentionne-t-elle. Malgré la défaite amère de M. Demers, elle juge son expérience de campagne formatrice. « Je ne regrette pas ma décision. Faire du porte-à-porte, rencontrer les électeurs, être à l’écoute de leurs besoins m’a fait réaliser à quel point les Chamblyens et les Chamblyennes ont des idées novatrices».
Mme Labbé précise avoir voulu, dès son élection, démontrer sa bonne foi et son désir de coopérer avec l’administration actuelle. « Malgré mon implication dans l’équipe adverse, je ne veux pas critiquer pour critiquer. Je souhaite être constructive dans ma façon d’amener mes points et mes projets, car au final, nous avons tous le même objectif. Nous sommes élus pour servir et non pas pour nous servir ».
La conseillère reconnaît cependant avoir quelque peu déchanté durant les derniers mois. « Je pose beaucoup de questions. Elles sont à mon sens légitimes, car elles proviennent des Chamblyens eux-mêmes. Malheureusement, elles ne sont pas toujours bien reçues». La conseillère donne l’exemple d’une question anodine posée sur la politique d’embauche de la ville (finalement, il n’y en a pas). La réponse fut pour le moins sèche, explique-t-elle, sans vouloir s’appesantir sur le sujet.
Nous abordons ensuite en rafale les enjeux qui secouent actuellement l’hôtel de ville. Mme Labbé réitère son opposition au changement de nom de la rue Ostiguy (changement fait le 16 avril). « Je suis tout à fait d’accord avec la proposition de nommer une rue en l’honneur de M. Petrozza, mais était-il nécessaire de choisir la rue Ostiguy, surtout lorsque nous connaissons l’histoire de celle-ci ? Cette décision a été prise sans consultation, quelques semaines à peine après l’abrogation du comité de toponymie de la ville».
Un argument utilisé pour justifier la dissolution du comité fut que la ville comptait travailler de concert avec la société d’histoire. Compte tenu de l’opposition de celle-ci à l’égard du changement proposé, on ne peut pas dire que cette coopération soit effective, se désole Mme Labbé.
Au sujet de l’article paru dans « Le Journal de Montréal » faisant état de « tensions » lors des conseils municipaux, elle invite les citoyens à venir en juger par eux-mêmes. « Il y a une certaine rigidité dans le décorum, c’est certain. Nous avons parfois l’impression d’être au tribunal».
Du même souffle, elle précise que le maire a toujours fait preuve de politesse à son égard. Elle s’interroge cependant sur sa décision de refuser la captation vidéo. « Nous sommes à une époque où la transparence est de mise. Ne pas filmer nos délibérations envoie, à mon avis, un mauvais message à la population ». D’ailleurs, fait valoir la conseillère, les personnes à mobilité réduite n’ont même pas accès à la salle du conseil.
Mme Labbé spécifie avoir signé le contrat d’éthique proposé par la ligue d’action civique. « J’étais et je suis entièrement d’accord avec les sept engagements des candidats. À Démocratie Chambly, nous l’avons tous ratifié. »
La conseillère s’interroge aussi sur le ton employé par certaines personnes, lorsque des citoyens font valoir leurs dissensions. « Dire du Mouvement citoyen de Chambly qu’il s’agit d’un groupuscule vindicatif, c’est plutôt dur. Je ne crois pas que ce type de propos fasse avancer le débat d’une manière constructive, souligne-t-elle. « L’administration actuelle a raison de répéter que son élection lui donne la légitimité d’agir. En même temps, la population ne lui a pas signé un chèque en blanc pour les quatre prochaines années!, s’exclame-t-elle. Il est normal et sain en démocratie d’avoir des contre-pouvoirs. La démocratie ce n’est pas un buffet où nous pouvons prendre ce qui nous plaît et rejeter le reste. »
L’entrevue tire déjà à sa fin et nous n’avons toujours pas abordé la problématique du plan d’urbanisme. Mme Labbé explique être en attente de «la proposition pour une éventuelle concordance». Elle se lance ensuite dans un long plaidoyer plutôt percutant pour faire de Chambly une ville verte. « Nous sommes à la traîne sur plusieurs aspects environnementaux, comparativement à d’autres ». Elle donne l’exemple de la couverture boisée du territoire. « Avec un pourcentage d’environ 11%, il n’y a pas de raisons de pavoiser. »
Malgré les divergences d’opinions manifestes, elle ne désespère pas de voir l’ambiance à l’hôtel de ville se transformer pour le mieux. « Personnellement, j’offre mon aide et mon support à l’administration actuelle, s’ils souhaitent trouver des solutions constructives. La ville doit conserver son charme et sa qualité de vie. Chambly ne doit pas devenir un îlot d’asphalte, sans âme ».
Mme Labbé est visiblement passionnée par sa tâche et cela transparaît dans sa façon d’être. Lors de l’entrevue, elle a démontré une connaissance approfondie de ses dossiers. Pour une élue avec moins d’une année d’expérience, sa courbe d’apprentissage est plutôt impressionnante. D’ailleurs, en rétrospective, ses critiques, bien que parfois sévères, furent toujours énoncées avec respect.
Bref, cette jeune politicienne qui a du chien n’a pas fini de faire parler d’elle! Les citoyens du district Du Canton sont entre bonnes mains!
Photographie : André Corbeij © /Journal Le Montérégien