Abus de pesticides

 Lise Perreault

ENVIRONNEMENT – Initiative louable au départ, l’utilisation des pesticides visait à favoriser l’abondance alimentaire pour tout un chacun, mais on en est venu à utiliser jusqu’à 40 % plus de pesticides que nécessaire.  Sans ce pourcentage superflu, on aboutirait pourtant au même résultat en termes de production agricole.

En effet, les récoltes seraient équivalentes avec ou sans cette surcharge de poison. Car il s’agit bien de poison, j’ose utiliser ce terme puisque les pesticides tuent.  Pas seulement les insectes nuisibles aux cultures, on s’en doute bien, mais aussi de nombreux insectes pollinisateurs qui, en outre, favorisent naturellement une agriculture saine. En fait, 75 % des cultures mondiales pour l’alimentation dépendent, au moins en partie, de la pollinisation.

Parmi ces insectes, impossible de contourner  l’abeille, pollinisatrice championne toutes catégories.  L’abeille étant classée en voie de disparition depuis septembre 2016, nous voguons en zone nébuleuse, entre passé et présent, car déjà un an depuis ce funeste classement et on en voit encore, des abeilles!  Allons donc, un autre affolement d’écologistes, se diront certains… Mais comme pas moins de 20 000 espèces d’abeilles sauvages participent à la pollinisation, il n’est pas surprenant d’en voir encore butiner ici et là, à ce nombre et vu sa longévité sur la planète, elle peut mettre quelques années avant l’extinction, l’abeille.  Mais ne perdons pas de vue que cette délicate petite merveille, qui sans relâche relance la vie des végétaux depuis 50 millions d’années, n’est armée que d’un seul gène de détoxification.  Elle, grande familière des fleurs, résiste mal aux poisons.

Pour notre part, nous, les humains, sommes champions toutes catégories en faux-fuyants. Au lieu de continuer béatement à profiter du miel pendant qu’il en reste, au lieu de faire comme si on pouvait encore empoisonner méthodiquement la vaillante abeille sans qu’elle en souffre, on devrait cesser d’utiliser les pesticides par tonnes superflues.  En réalité, depuis l’an 2000, les colonies d’abeilles s’effondrent à l’échelle mondiale.

Au Québec, les néonicotinoïdes, particulièrement nocifs pour l’abeille, à eux seuls, sont utilisés sur environ 500 000 hectares! Je mets de l’avant l’abeille, l’insecte emblématique de la pollinisation, mais il y a aussi les guêpes et papillons, diptères, coléoptères, lépidoptères… de nombreuses espèces de pollinisateurs secondaires moins spectaculaires, pareillement victimes de cette surcharge de pesticides.

Il est sans conteste paradoxal que pour favoriser la production agricole, nous éliminions à un rythme accéléré l’exceptionnelle pollinisatrice et, dans un sillage toxique de pesticides, des nuées d’autres insectes alliés de l’agriculture. Nous provoquons une hécatombe sans précédent d’insectes pollinisateurs pour augmenter notre production agricole qui se porterait aussi bien en réduisant drastiquement l’usage desdits pesticides. La voilà, l’incohérence.

Pourquoi cet emploi outrageusement abusif de pesticides? Une question de gros sous, assurément. Mais attention, ce processus, qui de surcroît assure la survie et l’adaptation des plantes tout en permettant de maintenir la biodiversité et l’équilibre des écosystèmes, cette pollinisation écologique qu’elles nous fournissent, les innocentes petites bestioles, est un service gratuit.  Summum de l’incohérence.

Lise Perreault