Paul-Henri Hudon
HISTOIRE – En 1889, le baron Pierre de Coubertin est chargé par le ministre français de l’Instruction publique d’étudier l’organisation et le fonctionnement des associations athlétiques dans les universités et collèges de l’Amérique. Son rapport intitulé « Universités transatlantiques » paraît l’année suivante.
Un chapitre en particulier « Canada britannique et Canada français » lui attire de vives remontrances d’un Français venu s’établir au Québec, le vicomte De Bouthillier-Chavigny.
Indigné par les propos de Coubertin sur le rôle prépondérant des anglophones dans le domaine de l’économie, de l’éducation et des sports, scandalisé par une tentative de « ravaler notre race », Bouthillier-Chavigny entreprend une réfutation en règle en publiant « Justice aux Canadiens français ».
Dans ce premier volume, petit ouvrage de caractère essentiellement polémique, l’auteur accentue « le goût de l’étude et de la culture intellectuelle des collégiens canadiens-français et notre supériorité dans tout ce qui touche aux choses de l’esprit », tout en admettant que « les jeux virils ne soient pas en honneur dans nos collèges ».
Quand Coubertin ose s’attaquer à certains tabous, tels le clergé, les communautés religieuses, le Collège de Montréal, la langue et la littérature canadiennes, Bouthillier-Chavigny donne la réplique en faisant valoir uniquement les qualités des francophones.
Porte-parole des idées traditionalistes, il vante le passé héroïque des Canadiens français, l’œuvre civilisatrice du clergé, les bienfaits de la confédération, les avantages du suffrage restreint et l’harmonie des libertés civiles, morales et religieuses. (Kenneth Landry, publié dans Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec. Des origines à 1900, Fides, vol 1, page 431).
Voici quelques constatations de M. de Coubertin : les élèves du collège de Montréal sont des « êtres » qui ont l’air de « ratés » habitant une « boîte » ! Les Canadiens français sont les humbles esclaves de leur clergé et de leurs congrégations. Clergé et congrégations enchaînent les esprits en prétendant les guider, et leur domination pèse lourdement sur une partie de la population, que les travaux de la terre ne suffisent plus à charmer, et qui prendrait volontiers sa part du mouvement littéraire et scientifique universel ». Coubertin constate à l’intérieur des bâtiments de l’Université Laval que tout était « sale et mal tenu ». (Voir : Le Canadien, 9 décembre 1890, page 2 et La Presse, 3 décembre 1890, page 2).
Rappelons que le baron Pierre de Coubertin (1863-1937) a été éducateur, historien et fondateur du Comité olympique international. Voulant faire revivre l’esprit olympique, il est considéré aujourd’hui comme le père des Jeux olympiques modernes.
Le vicomte De Bouthillier-Chavigny (1856-1911) demeurait à Saint-Mathias-sur-Richelieu dans le manoir Johnson. Il a destiné son livre « Justice aux Canadiens français, à M. le baron Pierre de Coubertin », Montréal, Cadieu & Derome, 1890, 126 pages ».